Au Fil de la Pierre bleue

La Pierre bleue, ce schiste de Nozay, de la roche au Paysage, sa formation, son histoire, ses carrières, ses diverses utilisations en architecture, en patrimoine de proximité, en Croix et Calvaires.

La pierre bleue, comme le bois, a un fil dans le sens duquel le tailleur de pierre, comme le menuisier, peut exercer plus librement son talent.

Les argiles, ou plutôt ici dans le Pays de Nozay, des argilites dites silteuses (Silt : limon de grain de grosseur intermédiaire entre l’argile et le sable) ont donné naissance à une roche métamorphique qui se débite en plaques plus ou moins épaisses et non en feuillets comme l’ardoise .

Dans la région de Nozay, la coloration de la roche est le plus souvent dans les tons bleu-gris, du plus pâle au plus foncé.

Le schiste ordovicien (période du Paléozoïque de dépôt des sédiments) de Nozay est une roche à grain très fin. Connu sous le nom de « pierre bleue de Nozay », il a été particulièrement employé pour la construction d’églises (Nozay, Joué-sur-Erdre, Conquereuil) ou d’ouvrages d’art du chemin de fer (Ponts, mais aussi maisons de garde-barrière), ainsi que dans l’habitat (linteaux, escaliers à vis, cheminées…), mais également en palis de clôture ou de construction, en bordure de trottoirs et pour la confection de croix et d’auges.

Cette roche a même pu donner quelques réalisations d’art funéraire très élaborées, ou plus récemment des exemples d’œuvre sculptées particulièrement réussies.

Grâce à l’intrusion d’un massif granitique, le développement d’une auréole de métamorphisme thermique a favorisé ici la naissance d’un schiste plus massif se délitant en plaques épaisses.

Naissance d’une montagne et genèse de schistes

Entre 360 et 270 millions d’années, la formation de la montagne hercynienne, montagne puissante à la rencontre de deux plaques tectoniques, provoque un plissement des sédiments paléozoïques (de l’ère primaire).

Conjointement au plissement des sédiments paléozoïques, des batholites de granite remontent au travers de ces sédiments et contribuent à un métamorphisme de contact par élévation des températures à proximité du granite se refroidissant, donnant  naissance à des schistes plus compacts comme dans la région de Nozay.

Ces roches sédimentaires paléozoïques déposées auparavant dans une mer peu profonde sont alors comprimées par la poussée de la chaîne hercynienne et transformées physiquement par les déformations engendrées et les hausses de température et de pression (voir Métamorphisme*)

Ces argilites issues de boues argileuses deviennent alors des schistes.

Sur ces schistes, ces transformations sont devenues visibles avec la permanence d’une structure en feuillets (fil de la pierre) et les caractéristiques des argiles sédimentaires  métamorphisées, et plissées.

*Métamorphisme : transformations mécaniques et minéralogiques subies par une roche, notamment sous l’influence de conditions physiques ( pression, température ), (par exemple lors du plissement des sédiments paléozoïques ou au contact d’un granit se refroidissant).

Dès la période Gallo-romaine, la pierre bleue est utilisée comme en témoignent la réalisation de chaussées de voies romaines avec des dalles de schiste placées sur chant dont la robustesse est attestée par leur présence vingt siècles plus tard. Des exemples de telles constructions sont en effet encore visibles au Grand-Pont-Veix sur Conquereuil.

Dans une époque moins lointaine la Pierre bleue a connu une époque florissante avec l’âge d’or du XVIe siècle. Manoirs, hôtelleries, auberges de l’époque témoignent de l’utilisation du schiste de Nozay. De cette époque subsistent encore les escaliers hélicoïdaux des tourelles desservant l’étage ou les combles. De belles pierres ont également été employées à l’ornementation principale, la cheminée dont le manteau est parfois orné d’un écu sculpté.

Jean de Laval, baron de Châteaubriant et donc seigneur de Nozay a su mettre à l’honneur ce matériau vers 1530 pour la construction de son Château Renaissance, notamment pour l’escalier d’apparat, d’architecture Renaissance italienne, dont les marches sont en schiste, mais également pour la galerie sud, très originale, avec ses vingt-deux arcades à colonnes de schiste contrastant avec la galerie de briques rouges  prolongée par un pavillon en retour, lui aussi percé d’arcades.

La forte concentration de manoirs et de logis nobles en schiste dans la région de Nozay peut s’expliquer par la présence sur place de l’ancien rendez-vous de chasse de la famille des Laval, les garennes de la Ville-au-Chef. Jean de Laval, seigneur de Châteaubriant, gouverneur de Bretagne, en ayant fait une maison de plaisance, au temps de François Ier.

Après le XVIe siècle florissant, survient une période de deux siècles où la pierre de Nozay cesse d’être employée pour les parements des encadrements de portes et fenêtres des belles demeures au profit du tuffeau du Val de Loire.

La reprise de l’exploitation des carrières de schiste de Nozay s’opère de façon spectaculaire au XIXe siècle dans la lignée de l’ingénieur lorrain Jean Jacob Franck, à l’origine, notamment, de la modernisation et de l’industrialisation de l’extraction du schiste.

Traditionnellement, le schiste est utilisé de multiples façons, dans l’habitat lui-même (escaliers, encadrement de portes et fenêtres, linteau sculpté, meneaux, dallage au sol), dans ses constructions annexes (moulins, fours à pain, granges, étables, hangars, lavoirs.), ou dans les divers ouvrages façonnés dans ce matériau (éviers, tables, auges, bacs, abreuvoirs, murettes, palis…).

Les ouvrages funéraires, les croix, et les calvaires ont également pu profiter de la finesse du grain de cette roche.

Localement, certains schistes présentent un débit en baguettes très allongées. Ces schistes esquilleux, dits « en barrettes » ont été exploités dans la région de Nozay : ne pourrissant pas, ils remplaçaient avantageusement le bois pour échalas dans les vignes et collecteurs de parcs à huîtres.

De nouvelles carrières ont même été ouvertes dans la région de Marsac/Don à la suite du renouvellement du vignoble nantais, atteint par le phylloxéra  à la fin du XIXe siècle.

Mais la mécanisation des vendanges et la crise du bâtiment, dans les années 1970 ont porté un coup fatal aux carrières de schiste de la région de Nozay. Seule subsiste une exploitation là où la commune de Nozay en comptait jusqu’à une vingtaine.