Pierre bleue Schiste de Nozay (Articles)

La pierre bleue, trésor de la région de Nozay

La pierre bleue, trésor de la région de Nozay

Article extrait de L’éclaireur 1er Juin 2018

La pierre bleue de Nozay (Loire-Atlantique) fit autrefois la richesse et la notoriété de la commune.   Retour sur son histoire…

Olivier Lavigne est un tailleur passionné par la pierre bleue de Nozay. Il a d’ailleurs réalisé dans ce matériau les lucarnes de sa maison.

Une réunion de tailleurs de pierre se tient du 1er au 3 juin 2018 à Nozay (Loire-Atlantique).

L’occasion de revenir sur l’histoire de la pierre bleue qui fit autrefois la richesse de la commune.

C’est un colloque exceptionnel (1) que le Nozéen Olivier Lavigne, président de l’Union compagnonnique de Nantes, organise sur trois jours. Près d’une vingtaine de tailleurs de pierre devraient y assister. « La pierre bleue de Nozay est une roche totalement inédite en France. L’idée est de la leur faire découvrir : avec ses caractéristiques mécaniques et la façon de la tailler », explique-t-il.

La pierre bleue a, autrefois, fait la richesse de plusieurs familles locales. En témoignent les belles maisons et petits manoirs éparpillés dans la campagne environnante. La grande période d’exploitation se situe « entre 1880 et 1914 », témoigne Olivier, qui s’est passionné pour l’histoire de ce schiste particulier.

Il y avait 14 carrières de pierre bleue déclarées en 1883, puis 27 en 1891 ! En 1911, ce sont encore 179 personnes qui travaillaient en lien avec l’exploitation de cette pierre ».

Les Maurice, la famille « oubliée »

La famille Franck est « la référence » souvent citée lorsque l’on évoque l’histoire des carriers à Nozay. Arrivé de Meurthe-et-Moselle en 1861, le père de famille – qui construisait des moulins dans son département d’origine – va réussir à « adapter des machines à la taille de cette pierre, tels que des scies et des appareils de tournage ».

Au cimetière de Nozay (Loire-Atlantique), le caveau de l’ancienne grande famille de carriers Franck illustre bien l’importance de la pierre bleue.

Colonne avec chapiteau sculpté du Caveau de la famille Franck au cimetière de Nozay.

Mais pour Olivier Lavigne, il est une famille qui, bien qu’ « oubliée aujourd’hui », a été la pionnière de l’essor de la pierre bleue de Nozay. « Il s’agit de la famille Maurice, les plus importants carriers de Nozay à l’époque. » C’est Aimé Maurice, un granitier de Nantes, qui est le premier venu s’installer ici : « Il a été envoyé à la campagne, avec ses enfants, suite à la grande grève de 1836. À l’époque, les grèves étaient interdites et on risquait d’être envoyé aux galères, pour cela ! ».

Son fils, Aimé-Julien, sera le premier à inventer une technique fiable pour tailler ce schiste réputé intaillable. « C’est vraiment lui qui a relancé l’économie de Nozay », raconte Olivier Lavigne. Les habitants d’aujourd’hui peuvent encore voir facilement l’une de ses réalisations : « C’est lui qui a fait le support de la pompe à bras, près de la pharmacie », indique le tailleur de pierre.

« A l’origine du renouveau de la pierre bleue »

« Les Maurice sont à l’origine de tout le renouveau du travail sur la pierre bleue, à partir des années 1870-1880, alors qu’à l’époque, les carrières de pierre étaient en faillite ! Aimé-Julien a formé d’autres personnes. Son fils, Nicolas, a fait de même. Il a notamment formé Pierre Labarre, dernier d’une grande lignée de tailleurs de pierre et qui a réalisé les blasons en pierre bleue, visibles dans certaines rues ».

Son savoir de tailleur de pierre bleue, Olivier Lavigne le tient quant à lui de Pierre Doucet, « le dernier maître carrier de Nozay, issu d’une autre grande famille d’exploitants. Il m’a donné les outils de la carrière Beausoleil, à Marsac-sur-Don ». Des outils spécifiques car « il est très difficile de tailler le schiste avec des outils classiques. Le marteau à tailler la pierre bleue a été inventé par le père Maurice. Il n’existe qu’ici ».

Olivier Lavigne avec un marteau spécialement conçu pour la taille de ce schiste bleu propre à Nozay (Loire-Atlantique).

Photo extraite de l’article de l’éclaireur “La pierre bleue, trésor de la région de Nozay” publié le 1er Juin 2018

L’essor des carrières de pierre bleue coïncide avec la création d’une ligne de chemin de fer, à la fin du XIXe siècle. « L’ex-entreprise de la famille Franck, d’ailleurs, était implantée tout près de la gare. C’est le collège Saint-Joseph aujourd’hui », précise Olivier. Le déclin commencera après la Première guerre mondiale, avec notamment l’arrivée de nouveaux matériaux, le béton et le parpaing, pour les constructions.

« Plus chère que le marbre de Carrare »

La fermeture de la ligne ferroviaire, en 1969, sonnera le glas des exploitations.

De nos jours, il ne reste plus qu’une seule carrière de pierre bleue encore en activité : « C’est l’ex-carrière Poidevin, aujourd’hui tenue par David Garçon. L’activité est réduite et l’entreprise fait beaucoup d’exportation, vers les Pays-Bas, la Belgique et l’Allemagne surtout. Cette pierre y est très appréciée pour les aménagements urbains. Mais elle est très chère : son prix est actuellement plus élevé que celui du marbre de Carrare ! Cela est dû au fait qu’elle est travaillée de façon artisanale ».

Ce qui explique que la pierre bleue désormais utilisée dans les aménagements modernes du bourg ne soit plus locale : « Ce serait trop cher. La pierre utilisée vient de Chine », souligne le tailleur…

https://actu.fr/pays-de-la-loire/nozay_44113/la-pierre-bleue-tresor-la-region-nozay_17063939.html

Dans la carrière du Parc à Nozay a été extraite la Pierre bleue, schiste local.

Le pays de la pierre bleue- ASPHAN

Le pays de la pierre bleue- ASPHAN

https://www.loire-atlantique.fr/jcms/services/culture-patrimoine/actualite-le-pays-de-la-pierre-bleue-asphan-fr-p2_773837

Un peu d’histoire

Le schiste est une pierre de densité variable qui s’est formée entre -500 et -435 millions d’années. On la rencontre de la Bretagne à l’Anjou où elle est plus fissible (elle peut se fendre en feuilles fines) et se transforme en ardoise. Les plus anciennes constructions en schiste encore visibles dans la région de Nozay remontent au Moyen-Âge, vers le XIIème siècle. Les églises locales, dont celle du Vieux-Bourg de Nozay (transformée à plusieurs reprises entre le XIIème et le XIXème siècle), sont refaites en pierre bleue, utilisée en dallage, appareillage, linteau et entourage des ouvertures (portes, fenêtres, etc.).

Mais cette utilisation atteint à son apogée aux XVème et XVIème siècles, comme l’illustrent les manoirs de la région ou le château de Châteaubriant (propriété du Département), au sein duquel la pierre bleue y est à l’honneur comme en témoignent les arcades, les colonnes ainsi que les marches de l’escalier de l’aile Renaissance édifiée à l’initiative de Jean de Laval (1487-1543).

Pendant les trois siècles suivants, la pierre bleue cesse d’être utilisée par la noblesse et la bourgeoisie. Mais celle-ci reste le matériau de construction privilégié en milieu rural et agricole. Il faudra attendre la fin du XIXème siècle pour que l’activité des carrières reprenne, avec une ampleur jusque-là inégalée, sous l’impulsion de Jean-Jacob Franck.

Avant la Première Guerre Mondiale, l’exploitation et la taille de la pierre bleue ont été rationalisées : exploitation en profondeur, utilisation maximale de ce matériau. Plus de 300 personnes vivaient de cette activité dans la région de Nozay, répartie dans une trentaine de carrières. Dans les années 1930, l’arrivée du béton concurrence fortement la pierre.

Le déclin de cette activité culmine dans les années 1960-70 avec la disparition progressive de la plupart des exploitations et le remblaiement des carrières. Aujourd’hui, seul un site d’extraction est encore en activité sur le territoire.

La pierre bleue a servi, et sert encore, pour des usages variés : matériau de construction, objet du quotidien et agricole. Les palis (du mot : pieu) constitués de pierres de schiste dressées et faisant office de clôture sont une des spécificités de la région. On peut également découvrir d’autres formes d’utilisation du schiste en tant que poteaux pour les vignes et de piquets pour les parcs ostréicoles.

Le site de la Carrière du Parc à Nozay géré par l’ASPHAN

L’extraction et le travail du schiste furent sans conteste la plus grande industrie de Nozay, la plus ancienne aussi. Dès le IIe siècle, les exploitations de schiste sont déjà connues.

En 1940, l’extraction à la carrière du Parc s’arrête.

Progressivement l’excavation va se remplir d’eau d’infiltration. Elle va servir de piscine au Nozéens (il y avait environ 4 mètres au plus profond) et aux réfugiés de la Seconde Guerre Mondiale. L’abandon du site, le silence et la présence très discrète de l’homme ont permis à la nature de reprendre ses droits. Ce petit terroir pourtant fortement bouleversé et artificiel, est devenu un paradis animalier. Eau, arbres, fruits, insectes, cachettes, terriers permettent une vie sauvage riche mais très fragile.

Ce site touristique et culturel a donc un double objectif :

éduquer à l’écologie, en présentant la faune et la flore de deux écosystèmes : la lande schisteuse et les sous-bois

préserver et transmettre les gestes et les techniques, d’extraction et de taille de la pierre bleue (ou schiste).

https://www.loire-atlantique.fr/jcms/services/culture-patrimoine/actualite-le-pays-de-la-pierre-bleue-asphan-fr-p2_773837

Consultez l’article de l’ASPHAN sur la Pierre bleue de Nozay, schiste local sur le site de l’ASPHAN : https://www.asphan.fr/la-pierre-bleue/

Au « pays de la pierre bleue » : appréhender le relief à travers l’utilisation d’une roche (Nozay, Loire-Atlantique)

Cahiers nantais, 2015-2

Au « pays de la pierre bleue » : appréhender le relief à travers l’utilisation d’une roche (Nozay, Loire-Atlantique)

Bruno COMENTALE Géographe, Université de Nantes, LETG-Nantes Géolittomer UMR 6554

bruno.comentale@univ-nantes.fr

Agnès BALTZER Géographe, Université de Nantes, LETG-Nantes Géolittomer UMR 6554

agnes.baltzer@univ-nantes.fr

Maxime COUTIN Étudiant de géographie, IGARUN, Université de Nantes

maxime.coutin@etu.univ-nantes.fr

Till WARIN Étudiant de géographie, IGARUN, Université de Nantes

till.warin@etu.univ-nantes.fr

Résumé :

La pierre bleue de Nozay est un héritage culturel propre à cette commune et à ses environs, à l’origine d’une importante animation historique, encore à l’œuvre durant une partie du Xxe siècle, autour des communautés de carriers et de tailleurs de pierre.

L’utilisation de cet emblème communal comme point de départ d’une explication du relief appalachien, caractérisé par une alternance de hautes échines et de larges dépressions, s’intègre dans les actions de vulgarisation de la géomorphologie.

Mots-clés :

Pierre bleue, schiste, relief appalachien, Massif armoricain, vulgarisation de la géomorphologie

Introduction

La présente étude, qui fait suite à la monographie de l’option Géomorphologie du cursus de Licence (Licence 3), préparée par M. Coutin et T. Warin au cours de l’année universitaire 2014-2015 à l’Institut de géographie et d’aménagement régional de l’université de Nantes (IGARUN), s’inscrit dans un double mouvement de vulgarisation de la géomorphologie.

En premier lieu, ce mouvement part du constat que la géomorphologie, enseignée à l’université mais méconnue au dehors, gagne à être popularisée auprès de publics variés.

En deuxième lieu, sous un angle épistémologique, ce mouvement s’intègre à l’approche nouvelle de la discipline que consacre l’expression patrimoine géomorphologique.

L’objet de cette démarche est la promotion de géomorphosites, ou sites d’intérêt géomorpho-logique, à partir de critères scientifiques et d’autres critères, parmi lesquels des critères esthétiques et culturels.

C’est dans cette dernière optique qu’est menée notre étude, dont le but est la vulgarisation de la discipline, indépendamment de la distinction de géomorphosites.

Enfin, elle se place dans la lignée d’études similaires menées à l’université de Nantes sous l’impulsion de D. Sellier, suivi par d’autres chercheurs (C. Portal, R. Kerguillec, B. Comentale).

L’utilisation de la «pierre bleue » de Nozay, variété de schiste, comme matériau de construction – à l’image des argiles des Mauges et des «pays » charentais (Comentale, 2011 ; 2012 a ; 2013), comme des roches employées dans le bâti rural traditionnel du Haut-Bocage vendéen (Comentale, 2012 b) – constitue donc l’introduction à une géomorphologie régionale a priori sans caractère spectaculaire, peu évidente au premier regard mais riche d’enseignements.

Un matériau omniprésent dans la construction et les pratiques passées

La pierre bleue de Nozay est volontiers déclinée sur un mode «identitaire» et les actions institutionnelles locales y font fréquemment référence.

Pourtant, l’histoire de l’extraction de ce matériau singulier, à l’origine d’un paysage esthétique et social propre à la commune, est peu mise en avant, comme le constate Olivier Lavigne1, auteur de travaux sur l’histoire du façonnage de la pierre bleue de Nozay et auquel nous emprunterons les conclusions relatives à cet aspect de la question.

Au sein du massif armoricain, la pierre bleue est un «schiste subardoisier» (Trautmann, 1988), en d’autres termes «un schiste semi-métamorphisé donc semi-fissile, impropre à la production d’ardoise mais produisant des plaques, nommées palis, et des blocs d’une épaisseur moyenne de 30 cm dont l’usage peut être très variable» (Lavigne, 2014, photo 1a).

Dans la commune de Nozay, nombreuses sont les clôtures de «palis» (photo 1b), évoquant des palissades de bois.

On remarque aussi son emploi comme pierres de construction, visibles dans les murs (photo 1c et 1d), et autres objets utilitaires tels des auges à cochon (O. Lavigne, comm. orale) ou bien cultuels et symboliques tel le calvaire de Montjouan à Issé, commune située à une quinzaine de kilomètres au nord-est (Lavigne, 2013).

Cette qualité de pierre, qui in fine se travaille comme le bois (Lavigne, 2007), est d’affleurement restreint, ce qui semble conférer à Nozay une relative spécialité, qui n’est rencontrée que ponctuellement plus au nord (cf. infra).

Il en résulte un paysage esthétique singulier, ainsi que des pratiques sociales nées autour des métiers d’extraction et de façonnage de la pierre bleue.

Par ailleurs, la spécialisation extractive et productive des lieux dépasse le strict cadre de la commune :

exploitation d’un schiste aux propriétés mécaniques proches de celles de la pierre bleue aux environs de Châteaubriant, où furent également exploitées des argiles réfractaires, encore à la fin du siècle dernier, ainsi que le fer des minières qui alimentait les forges locales ;

exploitation de l’étain à Abbaretz immédiatement à l’est de Nozay (travaux du Pr L. Chauris, 1980),dont le terril, l’un des points hauts du département de la Loire-Atlantique, fait l’objet d’une mise en valeur touristique –à l’aide de panneaux in situ, utilisant précisément la pierre bleue en raison de ses qualités mécaniques.

1 Olivier Lavigne, auteur d’une thèse sur la pierre bleue, est également tailleur de pierre, Compagnon du Tour de

France des Devoirs Unis, et historien des techniques.

C’est dire que la «tradition» extractive et industrielle du nord du département de la Loire-Atlantique en fait une base précieuse pour aboutir à une analyse géomorphologique des lieux à partir d’une ressource, elle-même liée à une formation géologique, celle-ci débouchant sur la configuration singulière du relief appalachien (cf. infra).

Suivant O. Lavigne (2014), «les débuts de l’extraction remontent au XIIIe siècle», elle se développe à partir du XVIe

siècle et, surtout, «avec l’arrivée du chemin de fer (1885) qui va permettre d’exporter à petits frais.

Son «âge d’or» vers 1911 verra jusqu’à 176 personnes vivant de cette activité», c’est-à-dire bien en-deçà du nombre fréquemment avancé de 300 ouvriers en 1914, mais qui selon l’auteur ne repose sur aucun fondement, bien que repris dans la notice de la carte géologique Nozay (1/50 000).

Les carrières se situaient au nord-est de la commune, aux lieuxdits les Grées et la Ville-au-Chef où subsistent

quelques témoignages matériels de cette extraction, ainsi que d’anciennes carrières.

Parmi elles, celle de la vallée du Cétrais, un ruisseau sous-affluent du Don, est la plus remarquable car elle a été considérablement élargie du fait de l’extraction. Elle est à présent convertie en terrain de moto-cross.

Les roches étaient «acheminées dans tout le département [de Loire-Atlantique], mais aussi en Vendée, Mayenne, Sarthe et surtout Ille-et-Vilaine. L’hécatombe de la première guerre mondiale, la concurrence du béton ainsi que les fluctuations économiques auront raison de cette activité» (Lavigne, 2014).

Selon nous, l’attractivité géomorphologique des lieux peut trouver une amorce dans la permanence, même diffuse, de la pierre bleue dans la mémoire des habitants de la commune, ce que l’on peut expliquer par l’empreinte laissée par l’activité extractive au sein d’une micro-société qui était organisée, hiérarchisée et marquée par cette activité.

La mise sur pied d’une coopérative ouvrière de production, au début du Xxe siècle, est la concrétisation de cette structuration (Lavigne, 2014).

Elle répond aux aspirations d’organisation d’une population croissante d’agriculteurs pauvres passant à l’extraction, ouverte aux idées socialistes, dans le contexte où « l’extraction et le façonnage de la pierre bleue s’intensifient », et suite à un accident mortel survenu en 1891.

Selon l’auteur, « la coopérative a marqué les esprits des carriers et tailleurs de pierre, et ils ont maintenu leur souvenir jusqu’à la fin du Xxe siècle», alors que, dans le même temps, les patrons de quelques entreprises tentaient de s’organiser en proposant des tarifs harmonisés. Cette organisation dont le souvenir est présent résulte elle-même de longues habitudes de regroupement professionnel, d’abord probablement confrérie, à tonalité religieuse (regroupement des tailleurs de pierre sous l’égide de Saint-Blaise, dont l’image est représentée dans la vieille église de Nozay du XVIe siècle), puis corporation (sur base urbaine), enfin compagnonnage, attesté par plusieurs documents au XIXe siècle : «un pas de plus sera fait avec la coopérative ouvrière de production et la ligue patronale.

L’histoire des organisations professionnelles montre bien l’émancipation progressive de ses adhérents, patrons ou ouvriers, et des tensions et relations au sein de ces mêmes groupes», (Lavigne, 2014).

C’est dans ce contexte culturel que nous inscrivons notre travail de vulgarisation de la géomorphologie.

En effet, dans un contexte socio-culturel communal où s’estompe la connaissance d’une histoire qui a longtemps organisé les rapports sociaux à l’échelon local (disparition des derniers témoins, installation de nouveaux habitants, nouvelles orientations économiques) alors que, paradoxalement, l’appellation «pierre bleue » continue d’être utilisée comme argument de publicité (noms de voirie, enseignes commerciales,…), la redécouverte de cet héritage historique est aussi l’occasion de mettre en exergue l’environnement l.s. auquel il est associé.

Cette perspective peut d’ailleurs être élargie aux communes voisines, où elle a été très utilisée, leur conférant une certaine unité : Puceul, Marsac, Vay, entre autres –d’où la dénomination de «Pays de la pierre bleue» pour désigner la communauté de communes les regroupant.

La pierre bleue, un matériau associé au relief appalachien du centre du massif armoricain

Sur le plan géographique, la pierre bleue de Nozay est attachée à une configuration autant géologique (une qualité de pierre aux propriétés mécaniques singulières qui lui sont léguées par son mode de formation) que géomorphologique

(un domaine d’étroites échines au sommet plan et d’orientation zonale, séparées par de larges dépressions, le tout témoignant du morcellement d’une vaste surface par l’érosion).

En effet, le paysage auquel introduit la pierre bleue est un relief appalachien typique, bien que moins marqué que plus au nord (région de Châteaubriant ; forêt de Domnaiche : Sellier, 2014). Il est issu du dégagement, du fait de l’encaissement des cours d’eau, d’un relief qui avait été plissé au cours de l’orogenèse hercynienne puis nivelé par la surface d’aplanissement précédemment citée, la surface post-hercynienne.

Ainsi, le relief appalachien résulte de trois étapes (fig. 1) :

d’abord un plissement (étape 1) qui met en place un relief différencié tel qu’une chaîne de montagne (ici le massif armoricain).

Puis un aplanissement (étape 2) annule le relief précédent, faisant apparaître un relief plat ou aux dénivelées peu marquées (pénéplaine), qui place sur le même plan des structures géologiques différenciées, c’est-àdire des roches de nature, et en l’occurrence de résistance, variées.

Enfin, intervient le dégagement (étape 3) de ces roches de résistance différente, du fait de l’encaissement des cours d’eau ; les roches les plus résistantes restant en relief sous forme de crêtes dont le sommet conserve la planéité d’origine, les plus meubles étant affouillées par les cours d’eau, sous forme de dépressions. Ces deux conditions, le dégagement d’anciennes structures plissées et la différence de résistance des roches, sont représentées dans la région de Nozay (fig. 2).

Relief appalachien de la région de Nozay

En effet, la région de Nozay se trouve à la charnière de deux ensembles du massif armoricain, le domaine sud-armoricain essentiellement marqué par la tectonique cassante (telle que représentée le long du Sillon de Bretagne

plus au sud, et son prolongement jusque dans le département des Deux-Sèvres), et le domaine centrarmoricain marqué par la tectonique plissée.

Le plissement, qui s’est opéré au cours de l’orogenèse hercynienne (aux alentours de 340- 360 Ma–millions d’années : dernière partie de l’ère primaire, fig. 1) a affecté une série originellement sédi-mentaire, antérieure au plissement et composée pour l’essentiel de roches silicatées de granulométrie fine (argiles, pélites, sables).

Cette série sédimentaire a été non seulement plissée mais également transformée par métamorphisme peu poussé (résultat des contraintes tectoniques et de l’échauffement de la croûte terrestre), en bandeaux de schistes, parmi lesquels la pierre bleue de Nozay.

Dans le même temps, des remontées locales de magma granitique (datées à 325 ± 10 Ma par L. Chauris, 1980, cité in Trautmann, 1988) s’inséraient dans la croûte, prélude à l’affleurement, après refroidissement, du granite de Nozay, à l’ouest (le Houx) comme à l’est du bourg (la Ville-Foucré).

Plus largement d’ailleurs, ces remontées s’intègrent dans une activité magmatique également marquée par la mise en place de filons de quartz, dont certains sont stannifères (Abbaretz), d’autres aurifères (Vay, par exemple : cf. Chauris, 2014).

Ainsi se trouve établie l’une des conditions de mise en place du relief appalachien, qui est la diversité de résistance des roches permettant la dissection différentielle du relief.

Une topographie de dissection, en lanières culminantes et dépressions

La topographie du nord du département de la Loire-Atlantique présente une série d’alignements de crêtes parallèles au sommet plan, d’orientation ouest-est, et séparées par des dépressions que drainent le Don et ses affluents.

Sur le périmètre de la carte topographique de Nozay (carte IGN à l’échelle 1/50 000), ce sont, du sud vers le nord (fig. 1) : (a) la crête de Puceul, séparée par une courte dépression de (b) la crête de Nozay, qui domine la large dépression de Jans, laquelle passe à (c) la crête de Saint-Vincentdes-Landes, séparée par une courte dépression du (d) plateau de Lusanger.

La régularité des altitudes culminantes (plus de 90 m à l’est immédiat du bourg de Nozay, jusqu’à 97 m près

de l’hippodrome, et 77 m dans la partie orientale de la forêt de Domnaiche au nord) figure une surface, actuellement incisée par les cours d’eau, ce qui lui confère ce relief différencié où se succèdent lanières et couloirs, bien visibles à partir des points hauts – lieux exposés au vent, équipés de moulins, et pour certains d’éoliennes.

L’arrêt à l’un de ces panoramas culminants permet aisément de voir ces lambeaux de la surface post-hercynienne (fig. 1 – étape 2), actuellement en cours de démantèlement.

C’est cette même surface qui, plus au nord-est, porte les altitudes les plus élevées du département de la Loire-Atlantique (110 m en forêt d’Araize à proximité de Châteaubriant). Élaborée sur le temps long de l’évolution géologique, elle a nivelé le relief plissé antérieur (hercynien), par des actions d’ameublissement et de décapage des roches, en grande partie produites sous conditions tropicales de climat chaud et humide.

Ces conditions furent réalisées à plusieurs reprises au cours de l’ère secondaire et de la première partie de l’ère tertiaire.

Cette surface est un élément de la «pénéplaine de l’Ouest de la France », de mise en place diachronique et de valeur régionale, qui a nivelé les bordures orientale et méridionale du massif armoricain ainsi que les marges sédimentaires de celui-ci (Klein, 1975).

Des éléments prouvant l’évolution de la surface sous conditions tropicales sont apportés, entre autres, par la présence d’altérites ferrugineuses, contenant du minerai de fer (à teneur élevée, entre 42 et 56%) et anciennement exploitées à Nozay et Abbaretz (Trautmann, 1988), provenant d’une cuirasse latéritique témoignant d’une altération tropicale de la roche. Participant à l’élaboration de la surface d’aplanissement, et supposées remonter à la première partie de l’ère tertiaire (Paléocène), sur la base d’observations régionales, ces altérites permettent de «caler» la dissection de la surface par les cours d’eau à la période suivante, en l’occurrence à partir de la fin du Tertiaire, approximativement depuis 4 ou 5 Ma (fig. 1, étape 3), et durant la totalité du Quaternaire.

L’apparition du relief appalachien de crêtes et de dépressions

Les trois étapes de la genèse du relief appalachien (fig. 1) conduisent à un plissement qui se fait sous forme de grandes ondulations orientées d’ouest en est, parallèles entre elles.

Ce sont, du sud au nord : le synclinorium de Saint-Georges-sur-Loire, le synclinorium de Nozay, formes en creux ; puis l’anticlinorium de Lanvaux, forme bombée, auquel succèdent le synclinorium de Saint-Vincent-des-Landes et le bassin de SaintJulien-de-Vouvantes séparés par un bombement de moindre ampleur.

Le recoupement par la surface de ces roches préalablement plissées explique par ailleurs que l’on rencontre ailleurs des schistes analogues à la pierre bleue.

L’attribution au schiste de Nozay d’un matériau schisteux utilisé dans la construction à Châteaubriant serait ainsi à revoir : cette pierre serait locale.

Le plissement a déformé une série sédimentaire comportant des roches de résistances variées.

Schématiquement, ce sont, au sommet, des grès (d’âge silurien : milieu de l’ère primaire), roches cohérentes (dures) consolidées à partir d’un sable initial ; en-dessous, des argilites (d’âge ordovicien et cambrien : première partie de l’ère primaire), roches formées à partir d’argiles, consolidées mais moins cohérentes que les précédentes.

Les schistes subardoisiers de la pierre de Nozay, d’âge ordovicien (en vert sur la carte géologique, fig. 2), en font partie : ils sont décrits par les géologues à l’est du bourg (les Grées, la Ville-au-Chef), comme des «siltstones micacés noir verdâtre à chloritoïdes, d’aspect massif» (Trautmann, 1988, p. 19).

Littéralement, il s’agit bien de roches résultant de la consolidation d’un silt (sédiment composé de fragments microscopiques), contenant du mica, dont la teinte peut varier du vert au bleu et dont le caractère massif lui confère son débit particulier.

Certes, le faciès des roches – grosso modo leur aspect extérieur, qui dépend de leur composition– est variable d’une extrémité à l’autre de l’aire représentée, cependant les grandes différences de résistance sont telles que, une fois la structure plissée aplanie (étape 2), la surface post-hercynienne voit la juxtaposition d’affleurements de résistance contrastée (cf. supra).

La dissection de la surface (étape 3) se fait prioritairement aux dépens des roches les plus meubles, en l’occurrence les argilites affleurant à la faveur du bombement de l’anticlinorium de Lanvaux, en donnant l’ample dépression de Jans, large de 7 km environ, surcreusée à 10- 15 m d’altitude et drainée par le Don.

Cette dépression est encadrée au nord par la crête de Saint-Vincent-des-Landes (60-70 m d’altitude), au sud par la crête de Nozay (jusqu’à près de 100 m : cf. supra).

Il s’agit d’une inversion de relief : systématiquement, les crêtes correspondent aux points bas du relief plissé initial et sont préservées par leurs affleurements de roches résistantes, qui leur permettent de conserver à leur sommet la planéité de la surface d’aplanissement d’origine, alors que les bombements sont surcreusés en dépressions dans les roches meubles.

Dans le détail, sur la crête de Nozay, les altitudes les plus élevées se rencontrent sur les affleurements de granite ou de quartz filonien, ou encore de quartzite, roche encore plus résistante, siliceuse (contenant du quartz), qui résulte du métamorphisme d’un grès ordovicien au contact du granite précédent.

À l’est du bourg, la crête conserve la planéité d’origine, mais la moindre résistance de la roche coïncide avec des altitudes inférieures, de l’ordre de 70 m (Beaulieu). Sur les affleurements de pierre bleue, le lieu-dit les Grées est à 50 m environ.

Dans le relief appalachien, le réseau hydrographique se compose fréquemment de tronçons perpendiculaires les uns aux autres : originellement adapté à la pente de la surface, il peut dans le détail comporter de courtes gorges.

Ici, le drainage d’ensemble s’effectue vers l’ouest, organisé en fonction du Don qui est un affluent de la Vilaine.

Mais le ruisseau de Cétrais, sousaffluent de rive gauche du Don, provient de la crête de Nozay, sur laquelle il prend sa source avant de s’y encaisser sous forme d’étroites gorges, inscrites d’une vingtaine de mètres en contrebas de la surface, en recoupant des roches résistantes.

À l’échelle d’une chaîne de montagnes, ce dispositif est insignifiant, mais à l’échelle de la région nozéenne, où les variations d’altitudes importantes sont de l’ordre de 80 m (dénivelée entre le fond de la dépression de Jans et le sommet de la crête de Nozay), il est notable.

L’écoulement de tels ruisseaux au sein de roches résistantes, alors qu’il existe des terrains meubles plus faciles à surcreuser à proximité, apparaît aberrant au vu de la topographie actuelle. Mais il s’explique par le fait que, antérieurement à la dissection de la surface, le drainage s’effectuait sur la topographie plane de celle-ci, sans contrainte liée à la résistance des roches.

Ce n’est qu’au cours de leur encaissement que les ruisseaux affluents du Don (lequel, lui, n’est pas tributaire de ces contraintes puisqu’il s’écoule le long d’un axe armé par des roches meubles, ce qui lui a permis de creuser un véritable couloir) ont dû, pour conserver leur tracé initial, creuser dans les roches cohérentes dans lesquelles ils commençaient à s’encaisser en fonction du niveau de base régional.

Ce dispositif est d’ailleurs incomplet puisque ces ruisseaux sont trop courts pour traverser la crête de part en part, comme cela se rencontre dans les reliefs appalachiens plus aboutis.

Enfin, le fait que ces ruisseaux (à Nozay le ruisseau de Cétrais et son affluent le ruisseau de la Mare à l’Aune qui prend sa source non loin du terril d’Abbaretz ; à Abbaretz, les affluents du ruisseau du Paradel) prennent leur source très au sud suggère que la surface d’aplanissement originelle possédait une double pente : la pente régionale vers l’ouest, en direction de la Vilaine, et la pente vers le nord, que l’analyse des variations d’altitude à l’échelle de la carte (de 90 à 70 m : cf. supra) mettait en évidence.

Conclusion

Cette étude illustre la richesse de la démarche patrimoniale (au sens d’un patrimoine matériel et culturel susceptible de déboucher sur un patrimoine géomorphologique, lequel reste ici à inventer et à structurer), qui consiste à montrer qu’un fait culturel marquant est un moyen d’introduire à la géomorphologie.

L’utilisation d’un matériau de construction localisé à une aire réduite, pour des raisons liées à un faciès géologique particulier qui imprime une qualité mécanique précise à la roche, a conféré une tonalité paysagère et sociale propre à cette aire : de là une mise en valeur de la géomorphologie locale, qui peut être élargie aux échelles régionale, puis générale par approfondissement de l’exposé.

Cette démarche est d’abord d’essence pédagogique, et procède de la méthode scalaire d’observation spécifique de la géographie : ce qui est donné à voir sur place est une roche, dont la mise en place est d’ordre géologique.

Mais cette observation localisée conduit à des paysages, observés à partir de points hauts comme la crête de Nozay (ou, mieux, le terril d’Abbaretz), et relève de la géomorphologie. À l’inverse, la prise de conscience, par les habitants des lieux comme par les visiteurs, d’un relief particulier alors qu’il apparaît peu significatif au premier regard, permet de raviver la « mémoire » de cette société nozéenne passée, fondée sur l’exploitation de l’emblématique pierre bleue.

Remerciements

Les auteurs remercient leurs correspondants nozéens, Loïc Daubas et en particulier Olivier Lavigne, qui nous a présenté oralement les résultats de ses recherches et donné accès à ses publications, pour leur précieux et chaleureux accueil.

Ils remercient également C. Portal (université de Poitiers) pour ses remarques utiles qui ont permis d’éclairer certains des points abordés dans l’article.

Bibliographie

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La carrière de la Pierre Bleue Ressources naturelles Métamorphisme NOZAY

Mai 2011 : Rapport final du BRGM : Identification et diagnostic du patrimoine géologique en Pays de la Loire

Inventaire des sites géologiques remarquables

Avec en Annexe 6 le tableau récapitulatif des 396 sites géologiques présélectionnés pour l’inventaire du Patrimoine Géologique en Pays-de-la-Loire

IPG44_FA042

La carrière de la Pierre Bleue Ressources naturelles Métamorphisme NOZAY 44113

Grandjouan, Le petit Grandjouan, La Petite Haie

302066 2293778

La “carrière de la Pierre Bleue” est un site aménagé et valorisé dont le but est de promouvoir le patrimoine historique de la commune de Nozay.

Les aménagements sont faciles et libres d’accès lors des jours d’ouverture du site.

Le visiteur peut alors arpenter un chemin pédagogique contournant la zone d’exploitation, en partie ennoyée, tout au long duquel sont disposés des panneaux explicatifs illustrant les différents aspects de l’ancienne activité de la carrière.

La “carrière de la Pierre Bleue” a exploité les schistes de la Formation du Grand-Auverné, qui appartient à l’Unité des Landes de Lanvaux et au Domaine varisque ligéro-sénan.

Les schistes affleurant dans cette carrière sont des méta-argilites silteuses sub-ardoisières à ardoisières.

L’âge de dépôt de leur protolithe sédimentaire terrigène, dans un contexte probablement épicontinental, est supposé ordovicien moyen.

A l’entrée de la zone d’exploitation, la roche, bien que massive, présente une fine schistosité sub-horizontale recoupée par un réseau de diaclases subverticales.

L’intersection de la schistosité et des diaclases confère à la roche un débit particulièrement remarquable qui, dans la moitié sud de la carrière, a permis d’extraire des “palis” d’environ 7 m de long.

En revanche, sur le flanc nord, la schistosité ayant un pendage plus prononcé et étant déformée par des plis pluridécimétriques en chevron (fig. 5) le site est moins favorable à l’extraction de tels “palis”.

De plus, localement, les schistes sont recoupés par des filons de quartz qui sont eux-mêmes déformés par les plis en chevron.

Enfin, aux abords de la carrière, l’observation des parties sommitales des affleurements permet de visualiser différents stades de l’altération des schistes

Extraction du schiste, la pierre bleue de Nozay, travail des carriers : article paru sur le site de l’office de tourisme de Derval (maintenant rattaché au Pays de Châteaubriant)

Des carriers OUVRIERS TRAVAILLANT DANS UNE CARRIÈRE. LEUR MÉTIER EST D’EXTRAIRE LA PIERRE.

Il reste à Nozay un lieu d’exploitation de l’or Bleu qui ont complètement modernisé le travail d’extraction. Celui-ci n’a plus rien à voir avec le travail des carriers du XIXe siècle..

A cette époque un maître carrier* Jean-Jacob Franck, ingénieur alsacien, profite des avancées techniques et redémarre l’activité pour en faire une industrie florissante.

Différentes dynasties telles que les Frank, Lemasson, Bouvet, Doucet, se partagent le filon schisteux. Avant la Première Guerre mondiale, 300 personnes sont employées dans les différentes carrières de Nozay.

Le déclin de l’activité s’amorce dès les années 1930, avec l’arrivée du béton détrônant progressivement les matériaux traditionnels. Le nombre de carriers diminue faute de débouchés.

Retracer l’épopée des carriers, tireurs et tailleurs de pierre bleue est une aventure captivante. On sait par exemple que le 22 août 1786, Jacques Edmé Léger Cottin, seigneur de Saffré, passe une commande de pierres pour carreler l’une des cuisines de son château. Il s’adresse à Vincent Gente, fournisseur et tailleur de pierre, domicilié dans la ville de Nozay. Mais où étaient donc ses carrières ? L’enquête se poursuit encore aujourd’hui…

Des couleurs

Le schiste extrait du sous-sol de Nozay, Moisdon-la-Rivière, Grand Auverné, Pierric, Juigné-les-Moutiers… passe par des nuances de gris clair et de bleu pâle et s’assombrit sous la patine du temps.

Il verdit lorsque les mousses et lichens s’y accrochent et se teinte de reflets ocre lorsqu’il est chargé en oxyde de fer.

Des utilisations LA PLUS TYPIQUE EST LE PALIS*

Le schiste se rencontre partout au Pays de Châteaubriant, et sous toutes les formes#: dalles, blocs et moellons.

L’extraction remonte à l’Antiquité. Il a été utilisé pour paver les voies romaines locales. Ensuite, il a été maçonné pour bâtir des maisons, des granges. Son âge d’or est le XVIe siècle.

De tout temps, il a accompagné le quotidien des habitants. Creusé et travaillé pour faire des éviers, des escaliers, des auges à cochon, des cheminées, des calvaires, des linteaux ou des tombeaux , il a façonné le paysage et est devenu identitaire du Pays de Châteaubriant.

Des outils et des savoir-faire

Le carrier «tire» la pierre du front de taille* qui descend par palier.

Pour déliter* les blocs, il se sert de burins, de marteaux, de coins, et d’une barre à mine.

Parfois, il emploie la poudre noire*. En explosant, les blocs se «décollent» verticalement. Il sort les blocs sur un plan incliné grâce à des treuils activés manuellement.

Plus tard, il utilise des wagonnets pour faciliter sa tâche.

Il met d’abord la pierre sur chant*.

Il se sert d’un outil bien particulier : le marteau taillant, outil spécifique à la région de Nozay. Il peut peser jusqu’à 11 kg et servir aussi bien à creuser une auge qu’à aplanir un palis. Ses parties tranchantes sont plus ou moins larges selon le travail demandé.

Le métier de carrier est dur et son salaire est maigre. Il s’effectue par tous les temps avec comme seule protection un «tue-vent» fait de genêts, de bruyère ou de fougères.

Les résidus de pierre servent à construire la «cabane de carrier» permettant de s’abriter pour les pauses et les repas. La carrière du Parc à Nozay est un site indispensable à la compré- hension de l’activité du carrier et du schiste.

Contact : Office de tourisme de Nozay.

Front de taille : partie de la carrière d’où le carrier extrait la pierre.

Déliter : détacher ou débiter une pierre dans le sens de ses lignes de stratification.

Sur chant : le chant est le plus petit côté de section d’une pierre taillée.

Poser une pierre de chant ou sur chant, c’est la poser dans le sens de la longueur et sur la petite face, sur un plan vertical ou oblique.

Poudre noire : explosif composé d’un mélange de soufre de salpêtre et de charbon de bois.

Les plaques de schiste extraites étaient principalement destinées aux vignerons qui y taillaient leurs poteaux à vignes avant l’arrivée des poteaux en ciment au 19ème s., aux ostréiculteurs de Marennes qui y fabriquaient leurs parcs à huîtres, aux agriculteurs pour l’empierrement des sols et les clôtures.

Les granges, les étables ou les remises (ex. au lieudit “la colle” à Nozay) sont des exemples du mode de construction en vigueur dans l’habitat rural des environs. Elles sont édifiées en 3 parties : un soubassement en schiste, une partie haute charpentée et un toit en tôle.

Les Croix Pattées (1851-1906) : sont une spécificité du Pays de Châteaubriant et originales à plus d’un titre : 130 croix recensées à ce jour dans un rayon de 50 km.

Leurs caractéristiques communes : monolithes (taillées dans un seul morceau), souvent de grande longueur, d’un croisillon conjuguant la forme pattée curviligne circulaire avec en relief la croix latine.

On note l’absence d’effigie du Christ gravé ou en relief (les quelques Christs en fonte sont des ajouts du 20ème s). On retrouve sur la plupart des croix, creusées dans le fût, des niches recevant le plus souvent une Vierge, mais dont la fonction d’origine était purement symbolique (la porte du ciel).

Ce type de croix a été très peu étudié et garde encore une grande part de mystère.

Un livret d’interprétation sur l’histoire du schiste est en vente auprès de l’ASPHAN au 02 40 79 34 29.

LE SCHISTE… LE SCHISTE EST UNE ROCHE MÉTAMORPHIQUE D’ORIGINE SÉDIMENTAIRE AYANT LA PARTICULARITÉ DE SE DÉBITER EN FEUILLES.

Ardoise ou pierre bleue : schiste ou pas ? En fait il s’agit de la même pierre qui a subi plus ou moins de pression lors de sa formation.# Il y a 455 millions d’années, des vases argileuses se déposent au fond de l’océan recouvrant le massif armoricain. Plus tard (370 millions d’années) les mouvements géologiques provoquent des hausses de température et de pression. L’argile se métamorphose alors en schiste. L’ardoise se délite en feuillets minces contrairement à la «pierre bleue» qui se détache en blocs plus épais.

Contacts / partenaires

Soucieux de dynamiser sa politique de valorisation du patrimoine et de construire son action au plus près du terrain, le Conseil général de Loire-Atlantique a imaginé un dispositif complet autour de thématiques identifiées.

La première de celles-ci, le schiste, a été l’occasion d’initier un recensement du patrimoine en s’appuyant sur l’ASPHAN et le réseau ISAKEDON et d’inciter les acteurs locaux à continuer eux-mêmes l’action : restauration et animation de la carrière du Parc à Nozay par l’ASPHAN, soutien à de nombreux projets individuels de restauration (soues, granges…) et réalisation de circuits coordonnés par l’ADT et les offices de tourisme afin d’inciter le plus grand nombre à partir à la découverte de la diversité et de la richesse patrimoniale.

Conseil Général de la Loire-Atlantique – Direction de la Culture Tél. 02 40 99 10 00 www.culture.cg44.fr

ASPHAN – Association de Sauvegarde du Patrimoine Historique et Artistique de Nozay et sa région Visites guidées sur réservation de l’enclos du Vieux Bourg et de la Carrière du Parc, Stages pour s’initier à sculpter et graver sur schiste… 25, rue du Vieux-Bourg – 44170 NOZAY Tél. 02 40 79 34 29 asphanozay@aol.com // www.asphan.fr

ISAKEDON Le réseau ISAKEDON est constitué de bénévoles de la communauté de communes de Nozay, qui s’est mobilisé pour répertorier le patrimoine en schiste sur le pays de Châteaubriant.

Ce travail a déjà permis d’identifier, de connaître (et de faire reconnaître) de nombreux bâtiments, d’en sauver quelques uns et d’en restaurer aussi.

PETRA FELIX – Association de restauration et de fabrication d’éléments en schiste La Colle – 44170 Nozay Tél. 02 40 87 00 08

Association Saint Patern avec son guide des oratoires, chapelles et fontaines sacrées du Pays de Châteaubriant Rue Pasteur – 44110 CHÂTEAUBRIANT Tél. 02 40 81 31 72

www.tourisme-derval.fr/modules.php?op=modload&name…‎