L’occupation oubliée
Été 1815 : Les Prussiens en Loire-Inférieure.
Par Jean Bourgeon, historien.
Conférence le samedi 4 octobre à 14 h 30 au Foyer restaurant, place Charles de Gaulle. CHATEAUBRIANT
18 juin 1815 : Waterloo. Après la défaite des troupes napoléoniennes, les armées anglaises, russes, prussiennes, autrichiennes… envahissent la France. Dans certaines régions une occupation de plusieurs années commence. Elle sera plus courte en Loire-Inférieure : de 8 jours sur la côte atlantique (Batz-Le Croisic) à un mois et demi à Châteaubriant ; deux semaines à Nantes.
Les Prussiens arrivent dans un département en ébullition après la Première Restauration suivie du retour de Napoléon de l’île d’Elbe, qui provoque une reprise de la chouannerie, et enfin la Seconde Restauration. Royalistes et partisans de l’Empereur se combattent armes à la main dans les campagnes, invectives aux lèvres et poings levés dans les rues de Nantes.
En Loire-Inférieure, les Prussiens occupent la partie du département située au nord de la Loire, le fleuve servant de ligne de démarcation en France. Les royalistes, et d’une façon générale les milieux favorisés, les accueillent comme des libérateurs, organisent banquets, feux d’artifices… collaborent à la bonne gestion de l’occupation. Les officiers sont invités dans les châteaux pour des dîners où l’on porte des toasts au roi de Prusse et au roi de France. À Nantes, les aristocrates et les grands bourgeois qui hébergent quelques officiers supérieurs s’amusent de les voir manger maladroitement les spécialités locales comme les artichauts. On s’échangera médailles et bonnes manières au moment du départ. Ces relations policées entre autorités nantaises et généraux prussiens semblent assez exceptionnelles, en regard de ce qui s’est passé dans les autres départements occupés. Y eut-il une « exception nantaise » ?
Par contre, dans les milieux populaires les Prussiens sont vus comme des occupants. Hors de Nantes, qui dispose de casernes, le soldat vit chez l’habitant qui doit lui céder son lit et lui servir le repas à sa propre table. Le Prussien est exigeant, demande plus que la ration officielle, veut du tabac, du café. Il menace, frappe, importune les femmes… Le maire de Châteaubriant écrit que dans sa ville : « Il y a plus de militaires que d’habitants. Actuellement la moitié de ces derniers couche sur la paille pour céder son grabat au militaire, qui le maltraite. » Certains villageois se révoltent d’autres fuient, la plupart subissent. Le maire de Saint-Etienne-de-Montluc raconte : « Un paisant [sic] étant à arranger son mulon de foin plusieurs prussiens demandèrent à cet homme du foin, il leur refusa en disant qu’il n’en donnerait point aux coquins de prussiens et se mit en devoir de frapper ; il y eut dans ce combat quatre prussiens de blessés. L’homme fut pris et reçut trente coups de nerf de bœuf dont il est fort incommodé. »
Les Nantais sont exemptés du logement des soldats, mais le petit peuple ne supporte pas l’occupant et le lui fait savoir en l’agressant verbalement et physiquement, en exhibant fusils et pistolets sous son nez. Les patriotes sont emprisonnés. On ne déplore officiellement aucune victime.
Cette occupation brève, mais traumatisante dans le monde rural, a été une page d’Histoire vite tournée, vite oubliée. Elle a été occultée localement par les Guerres de l’Ouest (Vendée-Chouannerie) dont elle devint un appendice, et nationalement par les guerres franco-allemandes qui ont suivi. La mémoire en fut réactivée et manipulée, en 1915, pour servir la cause du moment : L’Union nationale. Puis, les deux guerres mondiales en saturant la mémoire collective l’ont rejetée dans l’oubli. Jean Bourgeon propose de la redécouvrir.
le samedi 4 octobre à 14 h 30 au Foyer restaurant, place Charles de Gaulle. CHATEAUBRIANT
L’historien Jean Bourgeon auteur du livre : « L’occupation oubliée – Été 1815, les Prussiens en Loire-Inférieure » revient sur le déroulé de cette occupation à Châteaubriant et dans les communs alentours à l’occasion d’une conférence organisée par l’HIPPAC.

Couverture du livre d’où est tirée la conférence.

