« Quand la foi sublime la Pierre bleue » parcourt 350 ans de l’histoire des croix de chemin, avec bien des incertitudes, des points d’interrogation tant il est difficile d’avoir des informations recevables et des archives privées spécifiques, même pour la deuxième moitié du 19e siècle, la plus importante dans l’exploitation de la pierre bleue.
Qu’il y aurait-il de plus fort qu’une croix pour illustrer une Foi Chrétienne?
Alors dix, cent, mille fichées dans les chemins et autres endroits sur 50 communes autour de Nozay. Autant de traits d’union entre la Terre et le Ciel…
Dans le périmètre concerné, (un rayon de vingt kilomètres autour de Nozay), la plus vieille datée porte l’année 1597. Mais une croix particulière, elle n’est pas en mémoire d’un défunt, mais servait de poteau indicateur de «pierre bleue», et il y en eut sans doute plus de cent dans un périmètre encore plus étendu.
Pratiquement toutes avec un croisillon sculpté d’un christ, quelles soient latines (droites), ou à ergots pendant pratiquement un siècle. D’autres apparurent ensuite, copiées sur les précédentes, entre bords des chemins et talus de fossés jusqu’en 1850 où elles trouvèrent une concurrente: les croix de fonte nées de l’ère industrielle.
Moulées en grandes quantités aux ornements codifiés: lierre: attachement, rose: amour, roseau plié : fragilité de la vie, têtes de lion, de taureau, d’aigle, d’ange: (représentation des apôtres Jean, Luc, Mathieu et Paul..)
Les croix sont ici majoritairement réalisées en schiste (plus particulièrement en «pierre bleue»), que l’on trouve dans un long sillon entre Angers et le lac de Guerlédan.
Une roche dite «métamorphique» (minéral obtenu par chaleur ou pression sur des roches sédimentaires déjà existantes), aux multiples usages suivant des propriétés mécaniques spécifiques à leur localisation.
Mais n’est pas «pierre Bleue» qui veut, appellation sur un étroit cordon d’une trentaine de kilomètres entre Marsac-sur-Don et Châteaubriant.
En aval de la première, la roche est grise, friable, «molle», alors qu’en amont de l’autre, son bleu s’intensifie et sa dureté aussi.
Tant, dans la région de Juigné-des-Moutiers, qu’elle ne peut être travaillée qu’à la «boucharde» marteau à panne découpée en pointes de diamant) par éclatement de la matière (plus encore à mesure que l’on va dans ses profondeurs).
Alors, pourquoi à Nozay (et ses environs) est-elle d’un beau bleu avec des particularités mécaniques qui en font une pierre aux «deux cents usages». Cela pourrait être lié à une surpression localisée…
I Les Croix Juliennes
St-Julien-de-Vouvantes était jadis un lieu d’étape sur la route des galères de Brest à Toulon, sous Louis XV lors de deux passages annuels. La légende dit qu’au XVe siècle, l’un d’entre eux ayant prié avec une grande ferveur le saint de lui accorder le pardon, aurait vu ses chaînes tomber à trois reprises. St Julien devint alors un lieu de pèlerinage très fréquenté aux XVIIe et XVIIIe siècle.
Source : Gilbert Massard « Les Croix dites Juliennes » Tiez Breiz 2015
https://revue.pepites44.com/2024/08/20/croix-du-pays-du-schiste/
Les croix juliennes étaient alors des poteaux indicateurs installés aux endroits de «perdition», poteaux indicateurs tout de même de «pierre bleue».
Plus ou moins hautes mais toutes sur le même modèle, la plupart du temps latines, avec un christ sculpté au milieu de leur croisillon (d’une largeur de trente-deux centimètres égal à l’âge de la mort du Christ), uni au fût par une simple broche de fer.
Lequel souvent gravé de cordelières ou d’étoile à six branches en façade et planté dans un piédestal de pierres maçonnées locales. Autre particularité: Ce fût était généralement excentré sur l’arrière de l’entablement permettant ainsi de faire fonction d’autel.
Qui en a assuré la fabrication? Y-avait-il plusieurs centres de production? D’où venait la pierre bleue? Qui les finançait? Autant de questions qui resteront sans réponse. D’autant plus qu’elles sont peu bavardes et peu datées, l’aïeule (1597 au Petit-Auverné) et dans les années 1680 à Riaillé pour la benjamine.
Encore moins nommées (elles n’étaient que des éléments de circulation). Mais qui étaient Jan GERIN (Jean GUERIN) gravé sur celle d’Issé (au Champ Renaud) 1605, et PROVOST de L’AUBAUDIER sur celle de Vay, (chapelle Saint-Germain), 1612 (l’une des 3 croix à ne pas posséder de christ)? Etaient-ils des mécènes?
Et qui sculptait le christ? A en voir leurs physionomies, pas un artiste professionnel tant ils sont mal proportionnés, aux corps et aux membres difformes, aux mains plates telles des battoirs et aux pieds crantés tels des trépans (dans le Castelbriantais).
Pour certains, une morphologie et une tenue vestimentaire pas toujours masculine. Des visages, sur des têtes énormes, voulus expressifs par quelques coups de ciseau. Des bras en croix, d’autres levés, des chevelures «afros», des visages de tristesse, tellement rustiques qu’ils en deviennent attachants.
Sur un périmètre aussi étendu, impossible de dire le nombre de ces croix d’autant plus qu’à la Révolution elles devinrent maudites. A tout le moins mutilées (bras et mains des christ) , aussi carrément abattues.
Heureusement, leurs croisillons pouvant être facilement démontés, certains furent cachés pour être plantés dans des tertres de calvaires de mission quand le temps fut revenu au beau.
Il en resterait une centaine, une quinzaine dans le pays de la pierre bleue, une quarantaine dans le Castelbriantais, une vingtaine dans le pays ancenien, autant dans l’Anjou.
Même une à Nantes, hors circuit dans le jardin de l’église Saint-Georges, Notre-Dame des Batignolles, en vraie pierre bleue. Comment et pourquoi est-elle arrivée là?