Marie, épouse de Paul Doucet Carrier

Paul Doucet actionnant l'ancien treuil

Image d’Archives : Paul Doucet actionnant l’ancien Treuil de la Carrière de la Colle à Nozay

Témoignages d’aînés

Marie Morel (épouse de Paul Doucet, carrier à la Colle (Nozay)

Je suis née le 8 septembre 1932 à Jans mais j’ai vécu toute ma jeunesse au Château de l’Aurière. Mes parents étaient fermiers à l’Aurière. Mon mari s’appelait Paul Doucet, il est né le 26 octobre 1924 à la Touche de Boissaie. Ses parents étaient agriculteurs à la Touche de Boissaie, ils étaient propriétaires de leur ferme. On s’est marié le 23 avril 1952.

Il n’a eu aucun diplôme, comme moi. Il  est allé travailler chez des agriculteurs, tout jeune, à la journée. Après il a pris directement la carrière. Il était déjà à son compte quand il s’est marié à 27 ans.

Il avait du prendre la carrière à son compte un an avant notre mariage.

Le métier de carrier consistait à produire des poteaux de vigne, de la pierre de maçonnerie (beaucoup de maisons étaient faites en pierre de Nozay), et des collecteurs d’huitres.

Ces derniers étaient envoyés à l’île d’Oléron où on avait un dépositaire qui se chargeait de les vendre aux ostréiculteurs. Les collecteurs mesuraient entre 0,55 m et 0,80 m, ils étaient placés sur des tables en ferraille pour accueillir les larves d’huitres : les naissains se fixaient dessus.

D’autres pierre étaient également utilisées pour cela, comme la pierre de Corrèze, mais le schiste de Nozay avait la préférence car, plus lourd, il résistait mieux aux tempêtes.

Les piquets de vigne, qui mesuraient entre 0,75m, et 0,95m étaient transportés dans le vignoble nantais vers Le Loroux-Bottereau, Vallet, Mouzillon, La Haie-Fouassière, Le Pallet …

La Pierre de maçonnerie étaient vendue au m3, tout comme la pierre de taille (Mon mari avait acquis par la suite, une scie pour tailler les blocs et les collecteurs)

Comme outils, il y avait un marteau-taillant et un autre marteau plus lourd. Le marteau taillant ressemblait à une pioche, sauf que l’extrémité tranchante était plus large d’un bout et moins large de l’autre.

Il était utilisé pour égaliser les pierres, il n’y avait pas de scie à l’époque.  Tout était coupé au marteau-taillant.

L’autre marteau, qui pesait pas loin  de deux kilos était utilisé pour enfoncer les burins dans la pierre. Le grain de pierre était très dur. Et les burins étaient très solides. Mais il fallait connaître le fil de la pierre pour bien la fendre.

Avant d’utiliser les burins on soulevait les blocs de pierre à l’explosif. On allait chercher de la poudre noire à Guémené-Penfao.

On faisait un trou dans la pierre avec une barre à mine un peu spéciale qu’on tournait pour placer une mèche de près d’un mètre de long et la poudre au fond du trou. L’explosion n’était pas très forte, juste suffisante pour soulever la pierre, dégager les blocs et faciliter le travail au burin.

Naturellement, des « fils nature » délimitaient verticalement les blocs de pierre et ils suffisaient de les  désolidariser horizontalement.

Pour extraire l’eau de la carrière, mon mari avait acheté une pompe pour éjecter l’eau à l’extérieur. Mais l’eau ne restait jamais bien longtemps dans la carrière, on avait de la chance.

On avait deux carrières, à la Colle, une sur la droite, en allant sur Treffieux et l’autre plus loin, à gauche, dans les sapins, elle était plus grande mais on l’avait louée à Men Arvor, pendant deux ans.

J’étais la seule femme à travailler à l’extraction de la pierre car j’aidais mon mari qui avait eu des ennuis de santé juste après notre mariage.      Il a été trois ans sans travailler, puis a commencé progressivement à faire des demies journées. Je l’aidais  notamment à tourner la manivelle du treuil, travail très physique même si les forces étaient démultipliées

À l’époque près de cinquante personnes travaillaient dans les carrières, employées par sept artisans : Paul Doucet à la Colle, Aristide Bourdaud aux Grées, Gaston Courcoul aux Grées, Pierre Doucet à la Villatte et à Marsac, Lucien Lemasson à la Villatte avec sa propre carrière avant de travailler chez Pierre Doucet, André Doucet aux Fontenelles, à la Touche de Boissaie, Amaury Poitevin à Coisbrac.

André Doucet, Pierre Doucet, Aristide Bourdaud, et Gaston Courcoul, eux, avaient tous des ouvriers, ils étaient 8 à 10 par carrière.

Témoignage recueilli le 11 août 2020 par PEPITES44