Le Schiste a modelé, à la fin du 19e siècle, bourgs et campagne dans le Pays de Nozay. Par sa profusion, des milliers de moellons, équarris, sciés et poncés, ont entouré portes et fenêtres des nouvelles maisons, et dans les villages, une kyrielle de puits, fours, soues à cochons, hangars de palis, d’une densité telle qu’on ne la retrouve nulle part ailleurs.
Nous avons voulu connaître le rayonnement de cette pierre dans le bâti, mais aussi dans les croix de chemin, fort nombreuses. Les constructions en schiste s’amenuisent au fur et à mesure que l’on s’éloigne des centres de production. C’est l’inverse pour les croix, de plus en plus hautes, sophistiquées avec des prouesses de fabrication, plus on s’écarte de Nozay.
Dans un premier temps nous avons prospecté dans un périmètre de vingt-cinq kilomètres autour de cette ville. Nous avons recensé pas loin de 1200 spécimens faits de matériaux divers : schiste, béton fonte, bois, fer, granit, dont quelques 200 datées. Précieuses ces dernières ont permis d’élaborer un calendrier faisant ressortir les «modèles» proposés au cours des décennies.
Les plus vieilles sont les «Juliennes» (de 1597 à 1682), puis les croix «palis» peu nombreuses, vinrent ensuite les croix latines (fin 18eme jusqu’en 1904). Suivies des croix pattées, rondes et rustiques, toutes avec un christ, taillées sur une courte période (1810/1820) pour être remplacées par les pattées «industrielles» ; La première est datée de 1848 (Derval) et la dernière 1906. Fort nombreuses, plus de 250. Une variante: à ergots (peu, entre 1840 et 1850).
Les Franck, Père et fils, spécialisés dans les croix de section ronde (1880/1890), améliorées par des fûts à diminution (1890/1910), inondèrent, pendant trente ans, le marché autour de Nozay pour contrer les croix pattées devenues de plus en plus fines au fil des décennies. D’autres «maîtres-carriers» se mettent aussi à la taille à partir de 1875 ; Mais qui faisait quoi ?
Ces ouvriers carriers se sont «lâchés» en offrant un choix de la plus simple à la plus audacieuse (aussi la plus chère), qu’elles soient latines, pattées, ou de section ronde, fichées dans des socles énormes, (certains en forme d’autel), ou encore avec des croisillons réunis par un «engrenage» (1875/1885).
Paradoxalement, on ne retrouve pas les croix les plus sophistiquées à Nozay, mais à Issé, Lusanger, Soudan, La Meilleraye-de-Bretagne, là où vivaient des familles aisées pouvant s’acquitter à la fois de la taille et du transport, car les entrepreneurs profitaient du chemin de fer tout juste installé.
Ce patrimoine, une «niche» pour les maîtres-carriers, s’est constitué dans une très courte période, trente-cinq ans, de 1875 à 1910, où plus de la moitié des croix actuelles a été taillée.
D’une valeur inestimable, unique dans la région, il disparaîtra aussi vite qu’il est apparu, si l’on n’y prend garde ! Ce serait bien dommage, ne serait-ce que par respect, voire admiration pour les ouvriers-carriers dont toute leur vie a été consacrée à ce matériau bien particulier.
Un album de sensibilisation intitulé « Au chevet des croix de chemin en Pays de Nozay » a été publié par PEPITES44. Il est disponible à la Médiathèque de Nozay et dans les autres bibliothèques du secteur.