Origines maternelles bretonnes de Victor Hugo Georges Saffré 2022

Les origines bretonnes maternelles de Victor Hugo par Georges Saffré dans le bulletin municipal N°61 de 2022 de la commune d’Issé.

Je suis très honoré de partager cet article déjà paru dans la revue « Issé Info » n° 61 de 2022, fruit de patientes recherches, avec les abonnés de « PEPITES 44 » à qui je souhaite une bonne lecture.

Georges Saffré

En passant par la Lorraine… Les origines maternelles bretonnes de Victor HUGO.

« Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,

    Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte…

    Alors dans Besançon, vieille ville espagnole…

   Naquit d’un sang breton et lorrain à la fois,

   Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix…

   Abandonné de tous excepté de sa mère… »

Qui ne se souvient de ces magnifiques vers de Victor HUGO levant le voile sur ses origines, évoquant sa naissance d’un père lorrain et d’une mère bretonne. Ainsi, l’union improbable de deux êtres nés dans des villes aussi diamétralement opposées que Nantes et Nancy et dont la tourmente révolutionnaire unira les destinées, allait donner le jour le 26 février 1802 à Besançon à l’un des écrivains et poètes les plus célèbres et célébrés de notre planète.

Point n’est besoin de revenir sur l’ascendance paternelle du général Léopold-Sigisbert HUGO, dit « Brutus », qui, selon les affirmations d’Adèle FOUCHER, sa belle-fille, épouse du poète dans « Victor HUGO raconté par un témoin de sa vie », rencontra à Nantes en 1795 la jeune Sophie TREBUCHET chez ses parents. Elle ajoutera plus loin que « la future épousée était sans beauté, petite, grêlée, clignotant des yeux, au nez aigu s’abaissant sur sa bouche ». Leur idylle se concrétisa à Paris le 24 Brumaire de l’An VI, (15 novembre 1797) par le mariage civil après les publications d’usage du 3 novembre à Nantes où elle résidait alors et où elle naquit le 19 juin 1772 au domicile de son grand-père maternel, le procureur René-Pierre LE NORMAND du BUISSON et y fut baptisée le même jour en l’église de la paroisse Saint-Laurent de cette ville.

Qui était donc cette jeune provinciale que Pierre FOUCHER, le beau-père de son fils décrivait en ces termes ? : « Aucune femme à ma connaissance n’avait un caractère aussi prononcé que le sien. Elle était aussi inébranlable dans ses opinions que dans ses affections. Madame HUGO était une bretonne de vieille roche ». Elle était fille de Jean-François TREBUCHET, capitaine au long cours, né au Petit-Auverné le 30 avril 1731 et Renée-Louise LE NORMAND. L’émouvant poème « Océano nox », écrit en 1836 rend hommage à cet aïeul disparu en mer en 1783 :

« Oh ! Combien de marins, combien de capitaines,

    Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,

    Dans ce morne horizon se sont évanouis ! … »

Orphelins, les enfants TREBUCHET furent dispersés et Sophie fut confiée à sa tante ROBIN née TREBUCHET avec qui elle quitta Nantes fuyant les exactions de la Terreur pour s’installer rue de Couëré à Châteaubriant. Quelques années plus tard, en 1831, Hugo la décrira comme une « pauvre fille de quinze ans, en fuite à travers le bocage, brigande, comme madame de BONCHAMP et madame de LA ROCHEJAQUELEIN ».

Les TREBUCHET étaient issus d’une lignée d’artisans, devenus petits bourgeois du pays nantais qui exerçaient leur savoir-faire dans les arrondissements d’Ancenis et de Châteaubriant où foisonnaient les établissements métallurgiques grâce aux innombrables forêts, à l’omniprésence de l’eau et aux nombreux gisements de minerai de fer. Des dynasties de maîtres-fondeurs, mouleurs ou affineurs-fendeurs aux liens familiaux étroits s’y sont perpétuées : La Provotière et la Poitevinière en Riaillé, Gravotel et la Forge-Péan (devenue Forge-Neuve) en Moisdon-la-Rivière, la Hunaudière en Sion-les-Mines, Beaumont en Issé… où l’on fabriquait entre autres, ironie de l’Histoire, les boulets de canons que les artilleurs des armées républicaines utilisèrent pour mater la Chouannerie.

Les grands-parents de Sophie, Jean TREBUCHET (1673 +1738), maître-fondeur et mouleur à la Forge-Péan en Moisdon et Françoise LOUVIGNE (1691+1763), elle-même fille d’un maître-fondeur de Moisdon se marièrent au Petit-Auverné le 16 octobre 1708 et Victor HUGO rendra hommage à ses ancêtres alvernais en signant plusieurs articles du nom de V. d’AUVERNEY et en nommant le héros d’un de ses premiers romans « Bug-Jargal », le capitaine Léopold d’AUVERNEY.

Son arrière-grand-père, Gilles TREBUCHET décède en 1684 à Riaillé où il était maître-fondeur et mouleur à la Poitevinière et le père de Gilles, un autre Jean TREBUCHET se retrouve à « Yssé » en 1670, sans doute comme artisan-fondeur au fourneau de Beaumont dont l’existence est attestée sur un plan de 1673 détaillant les terres et biens du prince Louis de BOURBON-CONDE, dit « Le Grand Condé », seigneur dudit-lieu entre autres.

Le 27 juin 1821, Sophie rendait son dernier souffle à Paris, loin de sa Bretagne natale. Elle aura sans nul doute laissé à son fils qui lui voua toute sa vie un amour sans limite, une empreinte indélébile qu’il célèbrera dans le recueil « Les Feuilles d’Automne » :

« Je vous dirai peut-être quelque jour

   Quel lait pur, que de soins, que de vœux, que d’amour,

   Prodigués pour ma vie en naissant condamnée,

   M’ont fait deux fois l’enfant de ma mère obstinée.

   Oh ! l’amour d’une mère ! Amour que nul n’oublie ! … »

Son influence sur l’un des des plus grands génies littéraires de tous les temps et dont l’atavisme puisait sa source dans les tréfonds du bocage haut-breton d’où étaient issus ses ancêtres est indéniable.

La commune d’Issé, à l’instar de ses voisines du pays de Châteaubriant et de Nozay peut à juste titre être fière d’avoir pu compter parmi ses habitants quelques-uns des lointains aïeux du grand Victor HUGO et de partager cette fierté avec elles.

Georges Saffré.