Visite des Archives départementales de Loire-Atlantique
Commentaires de Séverin Neveu (ADLA)
Les photos de la Visite du 16 février sont de Henri Baudry
Historique de l’implantation : les Archives départementales (AD) occupent le site depuis les années 1930. Auparavant les archives ont longtemps occupé les sous-sols de la préfecture et pendant un temps après 1898, la chapelle de l’Oratoire. Le bâtiment actuel est situé entre les rues de Bouillé, de la Distillerie et Paul Bellamy. Présentation du bâtiment le plus récent inauguré en 2008 (agence Bruno Gaudin, architecte parisien), le chantier a duré 3 ans. On se représentera mieux l’ensemble du site sur les toitures terrasses.
L’hôtel particulier. Cet hôtel a été construit entre 1870 et 1886 pour Alfred Gueudet, fabricant de registres… Le Département a acquis l’hôtel Gueudet Moreau-Pavillon (en 1927) dans le parc duquel l’architecte René Ménard a édifié les bâtiments (1933). Décors XIXe : rampe en ferronnerie, boiseries peintes, plafond évoquant le ciel et « putti » angelots symbolisant l’amour, effet de profondeur grâce au jeu des miroirs.
l’historique de l’institution des Archives : prise de conscience de l’importance des documents qui servent de preuves et développement de dépôts pour conserver ces trésors (avant on se déplaçait avec). Du Moyen-âge jusqu’à la Révolution française, il y a une multiplication des dépôts d’archives (institutions religieuses, nobles, juridictions…). Après la Révolution française, sont créées les Archives Nationales (1793) et les Archives départementales (1796) pour accueillir les papiers des institutions et juridictions de l’Ancien régime, des établissements religieux nationalisés et des familles de condamnés : tous ces documents deviennent propriété de la Nation. La vocation des services d’archives est aussi de prendre en charge les documents produits par les administrations de la République. C’est ainsi que se constituent les fonds d’archives : en plus des archives recueillies à la Révolution française, les administrations implantées dans le département transfèrent leurs archives aux Archives départementales, aujourd’hui encore. L’autre idée force de la Révolution est de permettre la communication au public de ces documents. Service du Département depuis les lois de décentralisation (1983), mais toujours contrôlées par l’État (ministère chargé de la culture), les Archives constituent la mémoire collective du département. Elles se modernisent sans cesse pour être en phase avec leur temps et avec les attentes du public.
La salle Berranger : Cette salle porte le nom d’un archiviste ayant exercé dans les années 1960. C’était la salle de lecture qui accueillait le public jusqu’en 1983. C’est aujourd’hui un espace de classement. Elle fait partie du dépôt édifié par l’architecte René Ménard en 1933, rue de la Distillerie. Le service est alors à la pointe du progrès en matière de bâtiments d’archives : composé d’une salle de lecture, de bureaux, d’un bâtiment de stockage et d’une salle d’exposition. L’ancienne salle d’exposition est située à l’étage et est devenue une salle d’animation pour accueillir des ateliers pédagogiques. Une première extension du dépôt a eu lieu en 1963 pour continuer à archiver dans de bonnes conditions.
Les archives c’est quoi ? Toutes sortes de documents, quelque soient les supports (papier, photo, film, cartes, plans), les dates. Les missions des archivistes consistent à assurer la collecte (constitution des fonds), la conservation (magasins et matériels spécifiques), le classement (organiser l’information) et la valorisation (salle de lecture, exposition, conférences, ateliers pédagogiques). Aucune élimination d’archives publiques ne peut être effectuée sans le visa du directeur des Archives départementales, qui représente l’État. Des textes prévoient ce qui doit être conservé et ce qui est détruit. Le code du Patrimoine est le document législatif de référence concernant le rôle et l’organisation des archives.
Qui produit des archives publiques ? Les services de l’État, les collectivités territoriales, mais aussi les opérateurs publics, les établissements publics, les organismes exerçant une mission de service public, les officiers publics (notaires). Les Archives départementales de Loire-Atlantique contrôlent et accompagnent tous ceux qui ont leur siège dans le département, quel que soit leur ressort (ne pas parler du W).
Archives des notaires : les notaires, titulaires d’une « charge », font partie des officiers publics dont la particularité est de conférer la qualité d’acte public authentique aux documents qu’ils dressent. De ce fait, ceux-ci relèvent du statut des archives publiques, soumises au contrôle scientifique et technique de l’État qu’exerce le directeur des Archives départementales.
Archives des collectivités territoriales (communes, EPCI) : les collectivités territoriales sont propriétaires de leurs archives. Elles en assurent elles-mêmes la conservation et la mise en valeur mais conformément à la législation applicable en la matière sous le contrôle scientifique et technique de l’État. Ce contrôle est exercé par le directeur des Archives départementales.
Par ailleurs, des archives privées (documents produits par des particuliers, des entreprises, des associations…) sont données, vendues ou « déposées ». Le dépôt d’archives permet au propriétaire d’en rester propriétaire et aux archives d’en permettre la consultation au public, le temps du dépôt.
Le magasin de 1933 : équipé de rayonnages fixes autoporteurs. Le bâtiment comprend sur 6 niveaux des magasins de conservation d’archives (soit une capacité de 10 km linéaires). A l’origine, aucun équipement électrique, éclairage naturel, mais desserte par ascenseur. Au fil du temps, améliorations : électricité, occultation des vitrages, isolation.
Les premiers magasins, saturés, sont complétés en 1963 par une tour silo de 8 niveaux (architecte Maurice Ferré). La tour est doublée en 1983 lors de la première grande restructuration (architecte Paul Ferré), qui comprend la construction de 10 nouveaux magasins équipés de rayonnages mobiles permettant de gagner 1/3 de métrage linéaire et d’un bâtiment à usage administratif et d’accueil du public (déconstruit en 2005-2006).
La collecte :on collecte ici plusieurs centaines de mètres linéaires (ml) d’archives par an. Des tableaux de gestion des archives sont constitués avec les services producteurs : ils prévoient l’organisation des documents en interne et leur sort à l’issue de leur durée d’utilité administrative (une sorte de date limite d’utilisation optimale !). Une grande partie des documents est éliminée dans les administrations après visa des AD. La collecte demande beaucoup de manutention : réception, transfert dans les magasins, rangement sur les tablettes, récolement (localisation), étiquetage, … Chaque boîte ou liasse se verra appliquée un identifiant unique appelé cote. Les documents sont de toutes provenances comme on l’a déjà évoqué : administrations, préfecture, DDE, tribunaux ; officiers ministériels, personnes privées, entreprises, architectes, … Pour les documents provenant des administrations on parle de versement d’archives publiques, c’est le terme réglementaire. Un bordereau de versement détaillant le contenu accompagne le versement qui est programmé sur rendez-vous.
La salle des cartes et plans : les formats de certains documents (les plans) ou leur fragilité (archives anciennes avec sceaux) requièrent un traitement particulier. Les cartes et plans de grand format, les dessins d’architecte, les affiches sont cotés et conditionnés individuellement et rangés à plat dans des meubles à tiroir de grand format (ouvrir un tiroir). Les plans du cadastre du département ont été versés aux Archives avec leur mobilier d’origine (montrer un meuble). Évidemment la manipulation de ce genre de document est peu aisée, c’est pourquoi les plans cadastraux ont été les premiers documents à être numérisés au début des années 2000. Leur communication au public sous forme d’images consultables sur ordinateur devenait ainsi plus simple.
De même, les documents prestigieux et irremplaçables pour l’histoire, tel le trésor des chartes des ducs de Bretagne, sont conservés individuellement et à plat (Pourquoi à Nantes ? Nantes était l’ancienne capitale du duché – résidence ducale – puis le siège de la chambre des comptes de Bretagne après l’union du duché au royaume de France en 1532. À la Révolution, les archives des anciennes administrations présentes sur place sont restées à Nantes). Le trésor des chartes a lui aussi fait l’objet d’une numérisation intégrale et est consultable en ligne. Les originaux ne sont plus jamais communiqués.
Le Classement des archives : l’archiviste trie et organise les différents documents en fonction d’un plan de classement, les met en boîtes et rédige un descriptif précis du classement ainsi constitué. C’est ce descriptif (inventaire ou répertoire) qui sera mis à la disposition du chercheur en salle de lecture.
Le cadre de classement (national) répartit les documents chronologiquement et thématiquement. Des lettres de l’alphabet, pour constituer les séries d’archives, sont attribuées (A à I = période Ancien Régime / L = Révolution française / M à Z-sauf W = période moderne de 1800 à 1940 / W = période contemporaine de 1940 à nos jours).
Même s’il existe un service d’archives départementales dans chaque département le système de classement des documents est très semblable d’un département à un autre. La différence se situe plutôt au niveau de la thématique de collecte qui est géographique : En effet, ici ce sont en priorité des documents qui concernent la Loire-Atlantique ou la région Pays de la Loire (pour les administrations à compétence régionale).
Le moment du classement peut permettre de repérer certains documents en mauvais état (attaqués par des insectes, par l’humidité…), qui peuvent alors faire l’objet d’un traitement au laboratoire de restauration et de reliure ou chez un prestataire extérieur.
Qu’en est-il des archives issues des technologies numériques (archives dites électroniques) : de plus en plus de documents produits par les administrations (comme pour les entreprises et les particuliers) sont numérisés ou déjà complètement dématérialisés : ils ne connaîtront jamais de vie papier (les courriels, les bases de données, etc.).
Ces documents électroniques sont soumis aux mêmes règles d’archivage que les documents papiers. Les archivistes doivent s’adapter à cette évolution et proposer de nouvelles solutions d’archivage qui garantisse l’intégrité et la pérennité à très long terme.
Une plateforme d’archivage électronique a ainsi été mise en œuvre. Quelques versements ont déjà eu lieu (recueils d’actes administratifs par exemple). On ne pourra les consulter que sur informatique. C’est l’avenir des archives ! En 2019, près de 24,5 giga-octets de données collectées.
Le magasin de 1983 : ce magasin date de 1983, vous remarquerez les rayonnages mobiles qui impliquent d’avoir des documents de format standard. On observe que l’atmosphère est conditionnée. La température idéale de conservation des archives papiers est 18 degrés (taux d’humidité relative de 55%). Vous remarquerez les cotes sur les boîtes (série W) – donc documents postérieurs à 1940…
Quand un magasinier déplace une boite d’archives, il laisse à sa place un fantôme (de couleur bleu) pour matérialiser l’emplacement. Le fantôme est en deux parties, sur la deuxième figure la localisation précise ce qui permet de retrouver l’emplacement facilement.
Les terrasses et la vue sur l’hôtel Poupart : l’hôtel Poupart actuellement occupés par des bureaux. Acquis en 1998 par le Conseil général, l’hôtel Poupart est situé rue Paul Bellamy. Il a été construit au début des années 1880 pour Henri-Félix Poupart, épicier en gros à Nantes. Nous voyons très bien le bâtiment construit entre 2005 et 2007. Inauguré en 2008 il rassemble des magasins d’archives situés sur trois niveaux de sous-sol (qui permettent d’atteindre une capacité de stockage de 57 kilomètres linéaires). Au-dessus, des bâtiments à usage administratif d’un seul niveau permettant la liaison avec les bâtiments conservés, le tout organisé autour d’un patio central. Les locaux vastes comprennent une salle de consultation des documents originaux et numériques, une salle de conférences, une salle d’exposition et des espaces d’animation pédagogique.
Vue plongeante sur le patio et sur l’œuvre du 1% culturel réalisée par Pierre Antoine et Complémenterre. Cette œuvre rend hommage aux archives, en présentant des plantes (Sedum et Sempervivum) adaptées à des conditions de culture extrême, vivantes, proliférantes, en perpétuelle croissance (comme les archives !). Les structures métalliques symbolisent les étagères en même temps que leur plan rappelle le dessin des jardins des terrasses.
La salle de lecture : L’indexation et les bases de données : archiver c’est bien, retrouver c’est encore mieux ! Les archivistes analysent le contenu des documents et une fois la thématique repérée, ils la note dans une base de données informatiques pour pouvoir retrouver plus facilement l’information plus tard. C’est ce qu’on appelle l’indexation : chaque archive se voit ainsi rattachée à une thématique. L’indexation et la cote forment ainsi un couple indissociable pour retrouver efficacement un document. Par exemple, je cherche le procès-verbal de mon examen de baccalauréat de 1981. Je vais taper dans la base de données des archives (inventaires en ligne) le mot examen et l’année 1981. Une liste de résultats va s’afficher. Il ne me reste plus qu’à faire le tri par ordre alphabétique. Les P-V des lettres A à B sont cotés 1213 W 1. C’est sous cette cote qu’ils sont archivés et qu’on peut donc les retrouver dans les magasins. L’info en plus : ces dossiers seront communicables à tous en 2032 ; les diplômes eux ne sont pas conservés. 60 places de consultation. Tous les documents sont consultables sur place. Aucun prêt à l’extérieur. Les salles de lecture sont accessibles gratuitement au public après inscription sur présentation d’une pièce d’identité.
Quelques usuels en libre accès qui ne représentent qu’une petite partie de la bibliothèque historique (17 200documents communiqués en salle de lecture en 2019).
Sur l’aspect communicabilité : dans la pratique, les documents administratifs librement communicables restent communicables sans restriction après leur versement aux archives. La loi du 15 juillet 2008 a introduit le principe de la libre communicabilité des archives. Mais les documents qui comportent des intérêts ou des secrets protégés deviennent communicables passés certains délais qui s’échelonnent de 25 à 100 ans (voire 120) selon la nature de ces intérêts. Des dérogations sont possibles.
La valorisation : Plusieurs ateliers pédagogiques sont proposés aux scolaires pour leur permettre de découvrir les archives et de travailler à partir des documents d’archives. Ces ateliers répondent aux objectifs des programmes scolaires. Programmation culturelle : conférences historiques (parler de la salle de conférence de 100 places), journées d’études, ateliers d’initiation à la recherche, spectacles, expositions (visibles au rdc), projections de la Cinémathèque,…. L’antenne de la Cinémathèque de Bretagne pour le département 44 est hébergée dans nos locaux. Cette association collecte essentiellement des films amateurs qui sont maintenant transférés en format numérique et consultables sur rendez-vous.
Fin de la Visite aux Archives départementales de Loire-Atlantique.