Landes en Bretagne Bernard Clément

Landes en Bretagne (Histoire, géographie, milieux, flore) par Bernard Clément dans le précieux Guide du naturaliste de la Bretagne aux éditions Delachaux et Niestlé.

Les illustrations concernent le Pays du schiste en Loire-Atlantique

Les landes appartiennent aux paysages typiques de la Bretagne, sur le littoral (cap Fréhel, cap d’Erquy, presqu’île de Crozon), les îles (Groix, Belle île, Ouessant) ou les collines intérieures (Monts d’Arrée, Montagnes noires, massif de Paimpont).

Le terme « lande », d’origine celtique, lann signifie « terre inculte », découverte et libre.

Il s’agit d’une formation composée d’arbrisseaux et de petits arbustes. Les termes qui désignent cette végétation originale sont multiples, comme en témoignent les toponymes Bruyère, Brière, Bruère, Brenne, Brug, Broerec, Lanneg, Lannou, Lann-ki, etc…

Les landes investissent les terres les plus pauvres et les plus ingrates pour le paysan.

Pour la plupart, leur existence est liée aux opérations de défrichement de maigres bois et forêt depuis le Moyen-âge jusqu’au début du XIXe siècle, date de leur extension maximale en Europe et en France.

Elles représentent alors un million d’hectares en Bretagne (un tiers de sa superficie).

Seules les landes des falaises littorales et de quelques systèmes dunaires sont considérées comme naturelles, primaires, ou « climaciques », les autres, qualifiées de secondaires sont des végétations semi-naturelles, mais leur stabilité et leur valeur patrimoniale n’en sont pas moins aussi élevée que celles des landes primaires.

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la plupart des landes étaient des terres vaines, ou communs, terres dont les habitants du village et des environs avaient coutume de jouir en commun, à toute période de l’année, soit en vertu d’un droit, soit en vertu d’une simple tolérance du propriétaire.

A l’aube du XXe siècle, il ne reste plus de communs, les landes sont privatisées et partagées en de multiples parcelles, hier exploitées, aujourd’hui souvent abandonnées et désignées zones d’inculture.

Moins de 50 000 hectares subsistent aujourd’hui.

Les landes et les pelouses, d’apparence sauvage ou naturelle, sont en réalité un habitat où la valeur culturelle le dispute à la valeur naturelle du patrimoine.

Les Landes sèches.

Les landes et pelouses sèches sont établies sur des sols peu épais de type ranker ou des sols sableux à fort drainage et faible capacité de rétention en eau.

Bruyère cendrée et callune sont les deux espèces communes à ces espaces.

L’ajonc d’Europe, l’ajonc de Gall, à l’ouest, accompagnent ces bruyères.

Le quart sud-est de la Bretagne est représenté par une lande ligérienne méridionale à hélianthème (Halimium umbellatum), localisée sur les côteaux rocheux à exposition sud dominante.

Les autres espèces de plantes associées sont le gaillet des rochers (Galium saxatile) et le polygale (Polygala serpyllifolia) dans les landes rases, alors que trois liliacées aux corolles blanches, les asphodèles (Asphodelus albus et Asphodelus arrondeaui) et le simethis (Simethis planifolia) sont plus présents dans les landes hautes et sur des sols plus épais (30 à 40 cm).

Les graminées, l’agrostide de curlis et, localement, dans l’ouest, l’avoine de thore (Pseudarhenatherum longifolium) sont des espèces compagnes de ces landes sèches, mais leur plus grande abondance est déterminée par des perturbations tels que le feu courant, la fauche où le piétinement extensif.

Lorsque ces perturbations sont récurrentes, les espèces ligneuses de la lande s’estompent, les espèces herbacées deviennent dominantes, la lande à bruyère se transforme en pelouse à graminées.

A l’inverse, l’abandon des pratiques culturales traditionnelles conduit parfois à une dynamique lente vers des fourrés à prunellier ou épine noire (Prunus spinosa), poirier sauvage (Pyrus cordata), ou sorbier des oiseleurs (sorbus aucuparia).

Les pelouses sèches

Selon l’intensité des perturbations subies par la lande, celle-ci résiste plus ou moins.

La fauche, tous les quatre à cinq ans, conduit à la genèse d’une lande herbeuse, mais sans changement de la composition floristique.

Le piétinement produit plus d’effets, d’autres espèces s’installent parmi lesquelles les fétuques (Festuca ovina et Festuca rubra), la danthonie (Danthonia decumbens), la laîche à deux nervures (Carex binervis) accompagnées, beaucoup plus rarement, dans le sud-est, du glaieul d’illyrie (Gladiolus illyricus) et de l’orchis bouffon (Orchis morio).

Sur les affleurements rocheux, les contraintes environnementales sont encore plus fortes (sols squelettique, déficit hydrique estival).

Seules des pelouses ouvertes ou écorchées tolèrent ces conditions d’habitat.

L’orpin anglais (Sedum anglicum), la jasione des montagnes (Jasiona montana),

la scille d’automne (Scilla autumnalis), le millepertuis (Hypericum linarifolium) assurent l’essentiel des couleurs vives de ces pelouses, associées aux tons verts des nombreuses mousses

et aux tons gris des multiples lichens.

Quantité d’autres petites plantes annuelles cohabitent via une stratégie d’évitement de la contrainte sécheresse.

Parmi celles-ci l’hélianthème à gouttes (Tuberaria guttata), le pied d’oiseau (Ornithopus perpusillus), les canches précoces (Aira praecox), et la caryophyllée (Aira caryophylla), la mibore printanière (Mibora minima) et les vulpins queue de rat (vulpia myuros) ou queue d’écureuil (Vulpia bromoides).

Les anfractuosités des rochers sont colonisés par le petit nard de haller (Micropyrum tenellum).

   Bernard Clément (Maître de conférence à l’Université de Rennes)

La Bretagne : Guide du naturaliste aux éditions Delachaux et Niestlé