La Pierre bleue de Boduic Cléguérec (56) et son Utilisation

La Pierre bleue de Boduic en Cléguérec largement utilisée localement s’est exportée jusqu’au Château des Rohan en Pontivy. Extrait du blog de Pierre Jézéquel https://rosquelfen-pj.blogspot.com/
et d’un article de Louis Chauris : Impacts de l’environnement géologique sur les constructions dans la région de Pontivy au cours de l’histoire.

samedi 20 novembre 2021 https://rosquelfen-pj.blogspot.com/
Patrimoine de Cléguérec en Morbihan

La pierre bleue de Boduic en Cléguérec, Morbihan

Dans un endroit très limité de Cléguérec, près de Boduic qui se trouve à quelques kilomètres au Sud de Sainte Brigitte, on trouve une roche schistosée bleue qui donne des pierres de façade exceptionnelles par leur beauté et leur facilité de taille.

Ces schistes chloriteux plissés peuvent aller du bleu foncé au bleu très pâle en passant par le vert clair et le rose pâle. C’est donc cette pierre qui donne les magnifiques façades des riches maisons paysannes dont un certain nombre sont ici à tourelle et à fenêtres à meneaux, ce qui signe une certaine richesse.

Sur l’extrait de la carte géologique à 1/50000 n° 313 de Pontivy (extrait du livre koste ar c’hoat de 2001, Coop Breizh), on observe un hachuré qui recouvre verticalement les formations géologiques. Ce hachuré correspond à la zone de métamorphisme de contact du granite sous-jacent et qui affleure à Silfiac et Lescouët-Gouarec.

Ce phénomène métamorphique produit une transformation des schistes au contact Briovérien-Cambrien en une sorte de cornéenne lorsque la schistosité n’est plus visible. Ce sont ces roches particulières et chloriteuses qui vont donner une ornementation parfois foisonnante et originale aux façades des maisons et monuments du pays. Les lieux d’extraction de cette roche se situent dans un espace très limité autour de Boduic.

Photos : Yves Lagabrielle

Dans les exemples donnés ici on voit quelques  décors sculptés dans la pierre bleue de Boduic, une pierre que l’on va trouver dans toutes les constructions anciennes du pays. Elles sont également présentes dans l’église de Cléguérec mais aussi dans celles de Sainte Brigitte et Saint Aignan.

Cette pierre  est plutôt ici, un schiste briovérien transformé par métamorphisme de contact car les excavations ou anciennes carrières encore visibles sous les arbres sont au contact Briovérien-Cambrien. Ce dernier débute par un conglomérat que l’on observe en éboulis sur la partie Nord de la carrière à l’Est de Poulhars et qui se situe donc au Nord des zones exploitées qui descendent ensuite vers Kerihuel. 

Un exemple  de construction en pierre de Boduic: cette fontaine à trois bassins dans laquelle une statue en pierre de facture moderne à remplacé l’ancienne (disparue?).

La chapelle Sainte Anne de Boduic est également faite en pierre bleue locale et possède des parties du XVe siècle. Une association  prend en main le sort de cet édifice remarquable.

Source de l’article : https://rosquelfen-pj.blogspot.com/ samedi 20 novembre 2021

Louis Chauris : extraits de l’article …

Impacts de l’environnement géologique sur les constructions dans la région de Pontivy au cours de l’histoire https://www.shabretagne.com/scripts/files/5f1c27de86e4b8.57549184/2010_01.pdf

Le Château des Rohan : impact majeur des pierres proximales

Comme on pouvait s’y attendre les bâtisseurs ont fait appel pour les élévations en moellons desdites murailles, à la formation schisto-gréseuse du Briovérien qui affleure dans les douves et aux environs de la forteresse. Ces roches, essentiellement représentées par des schistes gris à légère nuance bleutée et par des grès schisteux gris-vert, ont été utilisées sous forme de petits moellons, aujourd’hui souvent altérés, voire très érodés.

À l’évidence, ces formations proximales ont fourni le volume essentiel de la construction : sans conteste, leur teinte sombre contribue à l’aspect sévère de la forteresse, accentué encore par la faible dimension des moellons et leur hétérométrie. Vu sous cet angle, le château des Rohan apparaît au premier regard comme une émanation directe et massive du sous-sol local.

Ce premier point acquis, il apparaît toutefois que tous les schistes n’ont pas une telle origine. La partie inférieure en arc de cercle au pied de l’escalier monumental édifié lors de la première moitié du XVIIIe siècle dans l’angle nord-ouest de la cour, a fait appel au schiste bleu-gris clair à chloritoïde de Cléguérec, en éléments métriques, curvilignes, admirablement façonnés.

Le contraste est saisissant avec les médiocres moellons briovériens des murs de part et d’autre de l’entrée au sommet dudit escalier. De même, les marches de la partie inférieure de l’escalier droit en direction de la chapelle, à l’angle nord-est de la cour, ont mis en œuvre également le schiste de Cléguérec, pour partie en éléments monolithes dépassant deux mètres de long. …

Au total, l’utilisation, dans le château, de la pierre de Cléguérec, relativement distale (de l’ordre d’une quinzaine de kilomètres), est nettement postérieure à celle des schistes briovériens proximaux : les bâtisseurs se dégageaient des contraintes spatiales initiales. …

À Pontivy même, la dualité schistes-granites, déjà notée dans le château, s’impose, avec toutefois, à l’inverse dudit château, la prédominance du granite. Le schiste de Cléguérec reste ici sporadique (dans une maison Rue-Noble). …

Une mention spéciale doit être faite pour l’habitat ayant recherché le schiste bleu clair de Cléguérec.

À Boduic, plusieurs demeures ont fait appel à ce matériau ; l’une d’elles (1788) montre une porte cintrée en cette roche.

Toutefois, c’est peut-être à Colmario que le schiste a été le mieux mis en œuvre. Une demeure, partiellement restaurée, présente une porte (1616) avec montant et linteau en schiste ; à proximité, un beau logis conserve le millésime 1721 gravé en réserve dans ledit schiste.

En fait, de nombreux exemples d’utilisation du schiste bleu pâle méritent de retenir l’attention. Parmi bien d’autres : au bourg même de Saint-Aignan ; au hameau du Corboulo dans la même commune (linteau à accolade ; linteau portant le millésime 1798 gravé en réserve) ; au village de Gouvello en Sainte-Brigitte (linteau 1701 ; association du schiste bleu pâle au grès blanc et au schiste bleu sombre locaux) ;

et plus particulièrement dans le hameau de Kerdréan en Cléguérec avec plusieurs jolies demeures où le schiste est travaillé avec goût : l’une d’elles offre une façade entièrement en pierre de taille avec le millésime 1759 au linteau ; une autre présente une porte en anse de panier ; une autre encore une porte avec cintre en deux éléments ; toujours à Kerdréan, une remise montre des colonnes monolithes de plus de deux mètres de haut ; un ancien cabaret, au linteau sculpté avec pichet et coupe,…

À Bot er-Barz, également en Cléguérec, un manoir étonne par ses portes intérieures à accolade, ainsi que par son puits en schiste pâle,…

À Perret, porte avec linteau (1575).

Les quelques dates observées suggèrent que l’âge d’or du schiste bleu pâle pour l’habitat a été le XVIIIe siècle ; mais la même pierre était déjà recherchée dans ce but à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle. Devant les aptitudes de ce matériau au façonnement, on ne peut que regretter son abandon total.

L’impact généralisé des schistes bleu-pâle dans les édifices religieux : Une touche originale

L’aptitude de ce matériau à livrer d’excellentes pierres de taille confère à de nombreux édifices religieux de la région de Pontivy un caractère exceptionnel en Bretagne, sur lequel l’attention ne semble guère avoir été attirée. De là, quelques informations tant spatio-temporelles qu’architectoniques sur ces constructions.

Selon l’état actuel de nos investigations, une dizaine d’églises et chapelles ont mis en œuvre cette belle pierre, au moins pour partie.

Le premier point à souligner a trait à son expansion spatiale assez considérable au vu des sites d’extraction somme toute limités ; à elle seule cette constatation suffirait pour confirmer la qualité du schiste.

Si la chapelle Sainte-Anne à Boduic en Cléguérec a été bâtie à proximité même des carrières, l’église Saint-Aignan est déjà un peu plus éloignée des affleurements ; plus distante encore, l’église de Cléguérec, la chapelle Notre-Dame de Carmès en Neulliac,…

Le second point concerne l’échelonnement temporel d’une mise en œuvre pluriséculaire, même s’il n’est pas toujours possible de rattacher l’emploi dudit schiste à telle ou telle période.

La chapelle Notre-Dame de Carmès est un édifice d’âge composite : XVe siècle, clocher-porche au XVIe siècle ?, chœur rebâti en 1768…

L’église de Saint-Aignan remonte au XVe siècle, porche sud de 1568, remaniements au XIXe siècle. La chapelle de La Trinité en Cléguérec, mise à part la façade occidentale, appartient pour l’essentiel au XVIe siècle. La chapelle de Boduic, partiellement reconstruite au XIXe siècle, a conservé son transept et son chœur anciens. Sainte Brigitte date du XVIIe siècle ou du début du XVIIIe siècle. L’église de Cléguérec a été consacrée en 1864 ; la pose de la première pierre remonte à 1843.

L’aspect architectonique nécessite de plus amples informations car il permet de préciser la part effective prise par le schiste bleu dans le bâti.

Dans l’église de Saint-Aignan, cette pierre a été largement mise en œuvre, en particulier dans le transept nord en grand appareil, pour partie dans la sacristie, le porche, l’élévation méridionale, une baie ogivale,…,

elle peut être associée à des moellons de schiste bleu sombre ordovicien très allongés, ainsi qu’au granite de Pontivy.

Dans la chapelle Sainte-Anne à Boduic, la façade occidentale est en beaux éléments schisteux, mais l’encadrement de la porte est en granite ;

de même dans l’élévation du transept, les superbes pierres de taille en schiste, dépassant un mètre de long, font place au granite pour la porte latérale et la baie.

La chapelle de La Trinité en Cléguérec constitue un des plus remarquables exemples de l’emploi du schiste dans un édifice religieux ; les pierres de taille des élévations, pratiquement sans mortier, sont remarquablement agencées ;

la même pierre forme aussi une belle porte en anse de panier ; le granite n’est toutefois pas absent.

L’église de Cléguérec, de style néo-classique, offre pour notre propos, un intérêt singulier, à savoir l’opposition lithologique fort curieuse entre les deux élévations latérales : le côté gauche (par rapport au clocher) a recherché le schiste bleu pâle,

façonné en pierres de taille, le côté droit le granite de Pontivy, également en pierres de taille ; à ce jour, aucune explication n’a été trouvée à une telle dualité.

À Stival, dans l’église Saint-Mériadec, le schiste bleu a été utilisé pour partie dans la sacristie.

La chapelle Notre-Dame de Carmès est typiquement polylithique ; en sus des énormes éléments en schiste bleu pâle, ont été utilisés : schiste briovérien gris-vert en longs moellons plats, médiocres moellons briovériens (élévation nord), granite fin du porche méridional (de provenance imprécisée), granite à gros grain de Pontivy.

L’église paroissiale de Sainte-Brigitte fournit un excellent exemple de la mise en œuvre de différentes roches du Paléozoïque des environs : en sus du schiste bleu pâle pour partie en chaînage d’angle, pour une porte cintrée (aujourd’hui obturée), une baie,…,

ont été également employés des moellons de grès armoricain blanchâtre en taille éclatée et de schiste bleu-noir de l’Ordovicien dans la façade occidentale et dans le transept ; toutefois appel a été fait aussi au leuco-granite (de provenance exacte imprécisée, mais très certainement d’un des faciès du massif de Pontivy) pour la porte cintrée occidentale et des baies.

Dans l’église de Perret, le même schiste bleu pâle a été utilisé non seulement pour une baie en plein cintre, mais aussi en moellons en association avec le grès blanc armoricain ;

le porche méridional abrite une dalle tumulaire en schiste bleu-noir ; la porte occidentale est en leucogranite.

À Silfiac, le transept sud montre de superbes pierres de taille en schiste bleu pâle atteignant jusqu’à deux mètres de long ; le bel ossuaire d’attache accolé au porche sud est en leucogranite à grain moyen, accompagné d’un peu de ce même schiste.

Si la magnifique chapelle de Locmaria en Séglien a fait surtout appel au leucogranite en pierres de taille remarquablement appareillées (y compris dans l’élévation septentrionale !), le schiste bleu pâle a été aussi recherché, pour partie, dans le transept sud, en éléments souvent de grande dimension.

Louis Chauris : article complet sur

https://www.shabretagne.com/scripts/files/5f1c27de86e4b8.57549184/2010_01.pdf