Extraits d’un article de Muriel MÉLIN (Muriel MÉLIN est Docteur de l’Université de Rennes 1 – UMR 6566 CReAAH, Rennes) : « Reprise des données concernant le dépôt du Bronze final atlantique 3 dit de Puceul, l’Île aux Lièvres. Correction d’une mauvaise attribution au dépôt de Plessé (Loire-Atlantique) » voir https://www.academia.edu/12297933/Reprise_des_donn%C3%A9es_concernant_le_d%C3%A9p%C3%B4t_du_Bronze_final_atlantique_3_dit_de_Puceul_l_%C3%8Ele_aux_Li%C3%A8vres._Correction_d_une_mauvaise_attribution_au_d%C3%A9p%C3%B4t_de_Pless%C3%A9_Loire-Atlantique
1833 : première mention de la découverte
Peu de temps après la découverte, L. J.-M. Bizeul donne une première description, dans un article peu connu. Il écrit : « Au mois de novembre 1828, les ouvriers du canal de Nantes à Brest trouvèrent, à 18 pouces au-dessous du sol, un dépôt d’armes antiques, dans une prairie nommée l’Île aux Lièvres, faisant partie du territoire de la commune de Puceul, mais limitrophe de celle d’Héric, … »
Le toponyme de l’Île aux Lièvres, prairie dans laquelle a été trouvé le dépôt, n’apparaît pas sur l’actuelle carte IGN. Le dépôt a été découvert sur le territoire actuel de La Chevallerais (érigée en commune depuis 1950), et non pas dans les limites actuelles de Puceul. (Carte et croquis extraits de l’article)
Lisle du Dreneuc 1882 : 110 « Découverte signalée par Bizeul. » : L’île aux Lièvres, sur l’Isac, est située entre la Chevaleraie au nord et le château du Dréneuc au sud. En novembre 1828, lors des travaux du canal de Nantes à Brest, les ouvriers occupés au creusement des terres de l’île découvrirent un vase en argile rempli d’objets en bronze. M. Bizeul, qui nous a conservé la relation détaillée de cette trouvaille (Les Namnètes), indique le point précis du dépôt : N 89 du plan du canal, entre les profils 22 et 23 du premier bief, versant de la Vilaine.
La publication de L.-J.-M. BIZEUL (1833) offre l’illustration d’une grande partie des objets qui sont alors en sa possession, ainsi que deux objets disparus, faisant alors partie de la collection HALGAN.
Ces planches figurent plusieurs fragments de haches à douille, des fragments d’épées, une hache à ailerons, un fragment de racloir, une flamme de pointe de lance et un possible fragment de poignard à languette.
La forme du racloir, de type à bélière, l’association hache à ailerons subterminaux et haches à douille ainsi que la présence de lames d’épée à bourrelet central vraisemblablement de type en langue de carpe prouvent l’appartenance du dépôt au BFa 3.
Composition du dépôt de Puceul-La Chevallerais
Suivant la première mention et inventaire donné par L.-J.-M. BIZEUL (1833), le dépôt de Puceul-La Chevallerais serait composé de :
1 hache à ailerons ; 4 fragments de haches dont 2 à douille ;
4 autres haches de type inconnu ; 2 pointes de lance ;
6 fragments de lames d’épées ; 2 fragments de poignard (ou couteau) ;
2 fragments de racloirs (dit couteau) ; 2 anneaux et fragments analogues ;
1 « chaînon » divers fragments : morceaux de poignées et de gardes d’épées
« mors de bride » ; 1 « bossette échancrée » ;1 bouton ou agrafe à deux tenons ;
1 « petite barre de cuivre » aux extrémités pointues ; des « masses » ou « morceaux informes » (déchets de fonderie ?) ; d’autres fragments informes.
Cette liste ne permet pas de donner le nombre exact des objets : L.-J.-M. BIZEUL précise bien que certains ont rapidement disparu après la découverte (« plusieurs, et les plus curieux, ont disparu »).
Par ailleurs, malgré sa description très précise, il ne détaille pas, ni ne dessine les plus petits fragments ou les objets informes. À noter par ailleurs que deux fragments d’épées remontent, comme BIZEUL le précise lui-même, mais la cassure est récente.
Au total, le dépôt a pu regrouper une quarantaine d’objets au minimum.
Retour sur un article de Trésors de Puceul paru en janvier 2015 (contexte du dépôt)
Dans son article « Cachettes de l’âge du bronze en France. » , Gabriel de Mortillet dans les bulletins de la société d’anthropologie de Paris (Année 1894 Volume 5 Numéro 5 pp. 298-340) nous indique :
Les cachettes d’objets de l’âge du bronze sont fort nombreuses et les objets qu’elles contiennent sont extrêmement abondants. Ernest Chantre, dans son magnifique ouvrage : L’Age du bronze1, publié en 1875, en signale, pour la France et la Suisse, 169. L’inventaire complet des objets en bronze de la France et de la Suisse, reconnus par Chantre, s’élève à 32,418
Les cachettes sont classées par département, et les départements par ordre alphabétique.
L’énumération des cachettes de l’âge du bronze signalées en France indique pour la Loire-inférieure plusieurs dépôts dont celui-ci :
Puceul, cant. Nozay, arr. Châteaubriant, à l’ Isle- aux- Lièvres ou La Chevallerais . — 1828, dans une poterie, débris divers sur lesquels 8 conservés, culot, haches, 4 à ailerons, 1 à douille; larnaudien.
En tapant « Puceul La Chevallerais haches 4 à ailerons, 1 à douille » sur un moteur de recherche plusieurs articles mentionnent cette trouvaille dont celui de Boulud (S.), Fily (M.) « Les dépôts métalliques de l’extrême fin du Bronze final en Bretagne : nouvelle évaluation des données à la lumière des découvertes récentes » – 2009
Cet article propose une synthèse et une réactualisation des données sur les dépôts de l’horizon de l’épée en langue de carpe.
En Annexe est présenté un inventaire des dépôts. L’inventaire est présenté par département et par ordre alphabétique. Pour la Loire-Atlantique 9 dépôts sont présentés dont celui de Puceul : 55. PUCEUL, Ile aux Lièvres ou La Chevallerais (1828) : objets placés dans une poterie – au moins 60 – Dépôt dispersé.
Est mentionné un Autre article dans la Revue. Archéologique de l’ Ouest, IL 1994, p. 119-130. « Dépôt du Bronze final de la Tiedenaie à St Père-en-Retz (Loire-Atlantique)
Christine MAGGI* avec la collaboration de Hervé PAITIER**
Résumé: En 1873, un dépôt a été trouvé au lieu-dit «La Tiedenaie», sur la commune de Saint-Père-en-Retz (Loire- Atlantique). Contenant 216 objets ou fragments (haches plate, à talon, à ailerons, à douille, épées langue de carpe, bracelets, culots de fonte…), ce dépôt de fondeur, typique du groupe à l’épée langue de carpe, est daté du Bronze final III.
Ce travail clôt une série d’études consacrées aux grands dépôts du Bronze final III découverts à ce jour en Loire-Atlantique (Prairie de Mauves (Briard, 1966) et Jardin des Plantes (Briard, 1972), Sainte-Marguerite, Pornichet (Bigotteau, 1976).
Quoiqu’ayant ses caractéristiques propres (nette dominance des outils et faiblesse des éléments de parure), le dépôt de La Tiédenaie est typique, comme les précédents, du complexe à l’épée langue de carpe. Il confirme qu’à la fin de l’Age du Bronze, la Loire- Atlantique, en raison de sa position géographique privilégiée, est au carrefour d’influences multiples venues d’Europe orientale (haches à ailerons subterminaux), méridionale (hache à appendices latéraux) et des îles britanniques (hache à douille à nervures verticales).
En annexe sont présentés les 10 dépôts du Bronze final caractéristiques du groupe à l’épée langue de carpe recensés en Loire-Atlantique dont celui de Puceul :
10 – PUCEUL, l’Ile aux Lièvres ou La Chevallerais: nombreux objets dont 1 hache. plate, 2 pointes de lance, 6 fragments. épées 1. de carpe (1886).
Les dépôts appartenant à l’horizon métallique de l’épée en langue de carpe présentent des caractéristiques communes qui permettent de bien les identifier : présence récurrente d’objets « marqueurs » (épées en langue de carpe, poignards à languette, pointes de lance, haches à ailerons et à douille, racloirs et autres outils, bracelets, éléments de harnachement et pièces de char, lingots plano-convexes et déchets de fonderie), fragmentation très élevée des objets rarement déposés dans leur globalité et difficulté, voire impossibilité, à identifier une panoplie personnelle à l’intérieur de ces ensembles.
L’important taux de fragmentation et la présence d’un grand nombre d’éléments liés directement à la métallurgie ont poussé nombre d’auteurs à qualifier ces ensembles de dépôts de fondeur, appellation adoptée de façon quasi-unanime et jusqu’à nos jours par une grande partie de la communauté scientifique.
Ce terme supposant une connaissance de la fonction précise et de la destination de ces lots d’objets, il nous semble, comme à beaucoup de nos collègues, tout à fait urgent de l’abandonner au plus vite.
En effet, il paraît peu probable que ces dépôts si nombreux – plusieurs centaines, à l’échelle de l’Europe occidentale – aient tous été initialement constitués en vue d’un recyclage à venir, avant d’être oubliés par des artisans métallurgistes distraits ou victimes d’une insécurité galopante.
Il ne fait aucun doute que la refonte des objets ratés, hors d’usage ou des déchets de fonte a été très largement pratiquée, mais dans le cas des dépôts de l’horizon de l’épée en langue de carpe, la fragmentation volontaire des objets et la dénaturation de ceux-ci par des traitements volontairement destructeurs ne peuvent s’expliquer uniquement par un souci de faciliter le recyclage.
Pour le moment, la logique de la sélection des objets et celle des manipulations, bris et ploiements intentionnels nous échappent totalement pour le domaine atlantique (Milcent, Leroy 2003 : 225). Cependant, ces gestes et pratiques complexes répondent sans aucun doute à des règles précises dont la portée symbolique, voire rituelle, peut difficilement être écartée. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rao_0767-709x_1994_num_11_1_1015
Le contexte historique de l’âge du Bronze décrit plus haut s’appuie sur les travaux de Jacques Briard (chercheur au CNRS de 1955 à 2002), qui a beaucoup contribué à nos connaissances scientifiques sur cette période qui voit la maîtrise de la métallurgie des premiers métaux (cuivre, puis bronze, mais aussi or et argent), et à sa vulgarisation pour le grand public.
Depuis, les recherches se poursuivent. Les bornes chronologiques des trois grandes phases de l’âge du Bronze définies par J. Briard pour l’Ouest de la France ont été modifiées : le Bronze final est aujourd’hui daté de -1350 à -800 par exemple.
L’ouvrage le plus récent abordant l’âge du Bronze dans l’ouest de la France et le phénomène des dépôts est celui de Pierre-Yves Milcent (Maître de conférences à l’Université de Toulouse) : « Le temps des élites en Gaule atlantique (…) » paru en 2012 aux Presses universitaires de Rennes. C’est un travail très technique mais qui réactualise notamment les travaux de J. Briard, aujourd’hui un peu vieillis.
Notre regard sur les dépôts a aussi évolué. Ces groupes d’objets en bronze, souvent fragmentés avant d’être enfouis en pleine terre, ne sont aujourd’hui plus considérés comme des dépôts de fondeurs, mais sont à placer dans la sphère du rituel.
Ils continuent d’être étudiés d’un point de vue économique (masse de métal déposé), spirituel (offrandes ?), mais aussi social (comportements évoluant dans le temps et dans l’espace et qui témoignent de l’évolution de ces sociétés de l’âge du Bronze).
Nous nous appuyons donc autant que possible sur des découvertes récentes ,mais nous retournons également sur les découvertes anciennes.
C’est le cas de cette étude sur le dépôt de Puceul, qui a permis de retrouver les objets que l’on pensait jusqu’ici disparus. En fait, ces objets ont été confondus avec un autre dépôt, mais ils « dormaient » encore dans les réserves du musée archéologique de Nantes (enregistrés sous la provenance « Plessé », dépôt qui, lui, semble bien avoir disparu).
Même s’il n’est plus complet, ce dépôt de Puceul-La Chevallerais, enfoui entre -950 et -800, illustre bien les pratiques rituelles alors en cours sur toute la frange atlantique. Ce travail a été réalisé dans le cadre d’un Projet collectif de recherche, coordonné par Sylvie Boulud-Gazo (Maître de conférences à l’Université de Nantes), projet qui rassemble chercheurs, étudiants et bénévoles sur l’étude de l’âge du Bronze dans les Pays de la Loire.
D’après un courriel de Muriel Mélin du 16 juin 2016