Le Sabotier de Puceul par son fils André

Je suis né le 15 octobre 1931- Je suis le troisième

Mon père s’appelait François cabas et ma mère Jeanne Secrétin.

Mon père a pris la suite du sacristain parce que son beau père, mon grand-père était sacristain lui aussi.

Il était tailleur de costumes, dans le bourg de Puceul, où est maintenant la bibliothèque.

Il est venu ici à 21 ans en sortant du service militaire.

Mon père était de Sainte Anne-sur-Vilaine. Il est né là-bas

Il est venu voir son oncle Daniel qui était sabotier à Puceul.

Celui-ci lui a demandé : « Tu ne veux pas apprendre un métier ?»

Il a été embauché comme jeune ouvrier, mais il n’y avait pas d’apprentissage à l’époque.

Il a appris le métier de sabotier chez son oncle, sans contrat, sans rien, il était nourri et logé.

Mon père aurait pu se mettre à son propre compte ensuite pendant la guerre car les gens ne disposaient pas d’autres chaussures (on n’en trouvait pas dans le commerce).

Il ne l’a fait que bien après la guerre.

Il a été sabotier toute sa vie.

Le matin du jour où il est mort (dans le bois de la justice à abattre du bois pour le chauffage de la maison), il travaillait encore à faire des sabots. Il avait soixante et onze ans, c’était en 1972.

Comme il était sacristain également, il fallait qu’il se lève de bonne heure pour aller tirer les cloches pour l’angélus du matin et à six heures il retournait pour sonner la messe qui était dite tous les matins.

Il y avait également les enterrements, les baptêmes et les mariages.

Il habitait dans la rue des Gremets, une maison qui s’est vendue deux ou trois fois depuis (le propriétaire actuel de cette maison est le gérant de la pizzeria : NDLR).

L’atelier n’était pas dans la maison de mes parents. Il a travaillé là quand il s’est mis à son compte.

Avant il travaillait dans la maison qui est en face (juste après la bibliothèque : NDLR).

Avant qu’il ne soit patron, il finissait les sabots là. Tous les sabots se finissait ici quand il était ouvrier.

Mais ils se commençaient à côté de la maison où habitait la sœur de Danielle Valin avec Armand Raimbaud.

L’atelier était juste à côté dans une sorte de remise, glaciale l’hiver.

C’est là qu’il commençait la taille des sabots.

En matière d’outils il y avait, au départ pour les tailler, une hache, avec un manche long comme cela, avec une grosse boule (cette hache avait un manche très court terminé par une boule pour contrebalancer le poids du tranchant : NDLR).

On utilisait le harpon pour abattre les arbres dans le bois de la Savinais.

Quand les fermiers en avaient à vendre , on utilisait des frênes ou de la Charmille.

Sinon on prenait des hêtres dans le bois de la Savinais (Propriété de Monsieur Bardoul)

Avant la taille des sabots, on utilisait un harpon pour couper le tronc d’arbre en bouts de trente centimètres environ suivant la taille des sabots voulus.

Quelquefois moins car il fallait prévoir des sabots pour les enfants.

Mon père n’a jamais eu de tronçonneuse, tout était scié au harpon.

On brouettait ensuite les morceaux de bois jusqu’à l’atelier ou à la maison familiale quand il était à son compte.

Ensuite mon père les fendait en quartiers.

Il les fendait en premier en deux , puis en trois ou en quatre selon les sabots qu’il voulait sortir : soit des comètes (toutes en bois), soit des semi-comètes ou encore des hirondelles (petites chaussures pour dame pour venir à la messe le dimanche avec une bride en cuir dessus).

Mon père fendait lui-même son bois, avec un coin et un maillet qu’il faisait lui-même (cerclé de fer par le charron, Monsieur Bellaud pour qu’il ne fende pas).

Comme outils il y avait également les vrilles pour creuser les sabots et ensuite les cuillères pour pouvoir agrandir. Les cuillères avaient des numéros suivant leurs grandeur, du 10 au 22 si je me souviens bien.

Le même manche est utilisé pour toutes les cuillères.

Quand il travaillait avec les cuillères, il mettait les deux mains, mais il n’y en avait qu’une qui travaillait.

L’autre servait à maintenir le tout pour ne pas que la cuillère ne ripe.

Cet outil a vraiment une forme de cuillère mais il coupe très bien. Mon père affûtait ses propres outils.

Les cuillères servaient à faire l’intérieur du sabot.

Pour lui donner la forme extérieure il y avait le paroir (sorte de lame tranchante amovible de près d’un mètre fixée à une extrémité : NDLR) avec un manche en bois, poignée en forme de S.

Le boutoir servait à finir de creuser au fond du sabot, il coupait des deux côtés et dans le milieu.

Mon père était toujours protégé d’un tablier en cuir.

Un ouvrier pour être bien payé devait réaliser trois paires de comètes par jour.

C’était difficile à concilier avec son autre activité de sacristain qui l’obligeait à sonner l’angélus du matin, celui du midi et celui du soir, sans compter les baptêmes, les enterrements et les mariages.

Pendant la guerre les gens devaient commander au moins trois mois à l’avance leur paire de sabots.

Mon père faisait des sabots pour les habitants de Puceul et même au delà.

Il y avait un sabotier à Nozay, un à Saffré et un autre à Abbaretz.

Il y en avait également un en forêt du Gâvre que j’ai vu travailler sitôt la guerre avec une machine.

Il faisait des comètes et sur la fin, mon père ne pouvait plus les faire. Il lui achetait des comètes sorties d’usine (avec les deux prises de chaque côté) et il assurait la finition au paroir.

François Cabas

Il demandait au client d’essayer les comètes et de dire où elles faisaient mal et avec ses outils il les arrangeait aux pieds de celui-ci.

Très peu de gens revenaient se plaindre d’avoir mal.

Les demi comètes au lieu d’être couvertes avec du bois l’étaient avec une bride en cuir.

Les acheteurs étaient les fermiers, leur femme et leurs enfants car à l’époque les enfants venaient à l’école en sabots.

Mon père fabriquait entièrement les hirondelles avec leur bride en cuir noir. Il prenait le cuir à Nantes où il avait un fournisseur.

A la demande du client il pouvait dessiner ce que l’on appelle une fleur avec l’aide de sortes de gouges.